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Un  ordre  social chrétien

 

En réplique au constat des maladies qui rongent le corps de la société, l’une des premières solutions que la revue offre au lecteur est justement la description d’une société capable d’incarner les principes –énoncés de manière plus ou moins explicite – d’une pensée chrétienne à vocation politique. Celui qui construit une telle image est Ion Mihălcescu [1] , professeur à la Faculté de Théologie de Bucarest. Du fait que sa réflexion se situe au sein des articles du premier numéro de la revue Solidaritatea, nous pouvons considérer que son point de vue jouit de quelque autorité entre les membres du cercle social-chrétien.

L’exposé de Ion Mihălcescu est ouvert par une affirmation pour ainsi dire classique en la matière : «L’homme ne peut vivre, ne peut déployer les qualités de son âme et atteindre le but auquel il a été destiné par Dieu, qu’en société», une affirmation qui renoue avec la tradition aristotélicienne de la nature sociale de l’homme. Par conséquent, l’argument de la sociabilité naturelle est appelé, tout comme dans le cas de la doctrine sociale, à se constituer en pilier de la réflexion sociale orthodoxe. Mais, à la différence du discours catholique, elle n’est précédée dans ce cas précis, par aucune considération sur la valeur et le statut de l’être humain et sur les éléments essentiels qui donnent contenu à sa dignité.

Si l’homme est un être social, «la vie en société et l’ordre social ont leur fondement dans la nature humaine et forment des éléments constitutifs de l’ordre naturel. Tous deux se réduisent, en dernière instance, à Dieu le Créateur et font partie de son plan». Le caractère sacré de cet ordre social dont il est ici question justifie, tout d’abord, sa durabilité et immuabilité : puisque l’homme est censé atteindre un but établi par Dieu, à travers la création, et puisqu’il ne peut le faire qu’en société, il en découle que la qualité essentielle de l’ordre social est sa stabilité, exprimée par l’existence continue des conditions nécessaires au développement humain. Fondé en Dieu et rapporté au destin humain, l’ordre social évite tout danger de contestation se situant d’emblée en dehors de l’espace du débat. Conséquemment, mettre en doute le fondement transcendant de cet ordre c’est porter atteinte à cette stabilité sociale qu’est la condition même de l’épanouissement de l’être humain. Pour faire bref, déranger tout élément de cette logique c’est provoquer la ruine de l’édifice entier.

Or, c’est justement la stabilité de l’ordre social que met en doute la théorie du contrat [2] , théorie que Ion Mihălcescu entend fortement critiquer. «L’ordre social et de l’Etat [3] est, selon cette théorie, le produit de l’entente arbitraire des gens, du soi-disant contrat social». A part le fait que cette conception est dépourvue de toute vérité puisque «simple fiction historique», elle est également extrêmement dangereuse parce qu’elle abrite «les grains de la révolution, comme l’ont prouvé la grande révolution française et toutes les révolutions qui ont bouleversé depuis les fondements des différents Etats». Si l’ordre social perd son caractère divin et ne dépend que de la simple volonté humaine, rien n’empêche que la même volonté soit capable de le mettre à tout moment en question en procédant à une refondation de la société et en ignorant ainsi l’immuabilité du commandement divin.

La conception contractuelle n’est, par conséquence, qu’une errance de l’esprit humain imbu d’arrogance car ni l’existence, ni la structure de la société ne relèvent pas de la volonté humaine. Epanouissement humain, vie sociale, dynamique de la société s’harmonisent toutes dans le plan du Créateur, appartenant donc à un ordre intangible, le meilleur possible et l’unique naturel.

C’est justement pour pouvoir répondre aux besoins matériels et spirituels de l’homme que la société emprunte une structure spécifique, nécessaire à son existence même, et qui la rend supérieure à un simple rassemblement aléatoire des hommes :

La société ne peut exister si dépourvue de structure. La totalité des hommes constituent une société qui n’est pas une simple agrégation des êtres humains, mais, par contre, un organisme dont les membres se conditionnent réciproquement dans leur existence et dans leur fonctionnement, s’aident mutuellement et travaillent de manière harmonieuse pour atteindre le but posé par le Créateur. C’est pourquoi, la société a une structure organique, issue de sa nature même et conforme à ses besoins.

C’est en effet la conception médiévale, organique de la société que Ion Mihălcescu invoque à ce moment de son exposé, une conception contestée dans le débat de l’époque justement pour son caractère anachronique et catégoriquement inapproprié pour rendre compte des données de la société contemporaine. Présenter l’organisation sociale à la manière d’un organisme vivant, c’est ordonner indissolublement toutes les parties au tout, pourvu pour ainsi dire d’une vie et d’une logique propre qui englobe et dissout tous les éléments particuliers. Autrement dit, selon la conception organique, l’individu est ordonné à la société autant du point de vue des moyens nécessaires à la satisfaction des besoins de son existence, que dans la perspective de la finalité qu’il est censée poursuivre et qui relève elle-aussi de l’espace commun.

Cette structure organique consacre l’existence au sein de la société d’une multitude de groupes, remplissant chacun des fonctions différentes, dont l’action converge vers la satisfaction des nécessités qu’est censée couvrir la société en son ensemble.

Pour pourvoir aux multiples besoins matériels et spirituels de l’homme, la société s’est structurée en états, classes ou conditions sociales comme celle des agriculteurs, des artisans, des commerçants, des militaires, des prêtres  etc.

Il s’agit plutôt de l’image d’une société médiévale, munie d’une architecture corporative, qu’offre ici Ion Mihălcescu, un tableau social où chacun se voit assigner une place et un rôle bien précis. Cette division sociale fonctionnelle qui témoigne d’immobilité, est encadrée par une équation de la satisfaction des besoins dont les termes extrêmes, rapportés à des nécessités de premier ordre, sont la famille et l’Etat : «Pour la croissance du genre humain et pour la préservation de l’ordre social, ont pris naissance la famille et l’Etat».

Le corollaire de cette division fonctionnelle est la consécration au sein de la société de l’inégalité de membres. Ce qui surprend ici c’est le fait que cette inégalité ne décrit pas le statut des individus considérés un par rapport aux autres, mais le statut des groupes définis par un critère socio-professionnel.

La structure organique de la société présuppose, de manière nécessaire, une supra-ordination et un subordination des activités humaines et, par cela même, l’inégalité de ses membres. Par la nature même des choses, les classes appelées à déployer une activité intellectuelle sont supérieures à celles qui remplissent un travail physique, les classes qui correspondent à un besoin général sont supérieures aux classes qui correspondent à un besoin partiel.

Il y a donc une logique qui consacre la primauté en valeur du général sur la particulier, aboutissant à une hiérarchisation sociale qui rappelle en quelque sorte le discours platonicien d’une société juste qui est juste précisément parce qu’elle est bien ordonnée.

L’inégalité en droits et en dignités qui organise cette hiérarchie sociale est complétée et soutenue par l’interdépendance complète et réciproque des différents corps de l’organisme, interdépendance qui suggère l’image d’un tout sans fissure, à l’intérieur duquel chaque rouage, si menu soit-il, existe, participe et définit sa signification par rapport à la dynamique générale et à l’harmonie de la société en son ensemble.

Aucun corps ne pourrait subsister sans les autres parce que chacun fait un service aux autres et a, à son tour, besoin de leurs services. C’est à travers ce conditionnement réciproque des classes sociales que se dévoile le caractère d’organisation de la société.

Du fait que ces fonctions sociales ont leur fondement dans la nature même de la société et sont absolument indispensables pour son existence, leur raison dernière, tout comme celle de l’organisme social, se trouve en Dieu, l’auteur de la société. Elles sont donc ordonnées, non pas de façon immédiate, mais médiate, par Dieu lui-même, en tant qu’institutions divines, supérieures à l’arbitraire humain. Nous pourrions rapprocher ce discours de celui de l’enseignement catholique sur les structures essentielles de l’existence humaine : l’ordre social, tel qu’il correspond à la nature, s’organise autour d’une série d’éléments fondamentaux, dont l’existence, bien que susceptible de variations, ne saurait être mise en doute par les différentes formes historiques d’organisation sociale.

Par conséquent, cette perspective chrétienne de la société, telle qu’elle est tracée par Ion Mihălcescu, renferme le refus catégorique de toute prétention socialiste d’instauration d’une égalité sociale de fait car une telle entreprise non seulement viendrait en contradiction avec les commandements divins, mais elle ne saurait être munie d’aucun résultat positif, portant atteinte à l’existence même de la société.  En effet, en analysant la viabilité de la revendication socialiste, Mihălcescu aboutit à mettre en opposition deux couples : inégalité - interdépendance et égalité - indépendance. Le premier définit l’espace social et se constitue en condition essentielle de l’épanouissement des hommes et de la société. Au contraire, l’autre caractérise un espace asocial, où les hommes sont «complètement indépendants, libres comme les bêtes de la forêt». Conséquemment, cette liberté issue de l’indépendance n’a pas en elle-même une valeur positive car, finalement, elle implique un avilissement de l’être humain au niveau de la bête. En dehors de la société, l’homme est libre, mais non pas en qualité d’être humain, mais en tant qu’animal. C’est dire, en fin de compte, que l’homme n’est homme qu’au moyen de sa dimension sociale, que, finalement, il n’est homme que dans et par son appartenance à la société. Antérieurement et indépendamment, il en est dépourvu. A remarquer ici une opposition radicale par rapport à la réflexion catholique. Si, dans le premier cas, il n’y avait de société que des personnes, si la personne précédait toujours l’aménagement social, dans le cas pris ici en discussion, il conviendrait plutôt de dire qu’il n’y a d’hommes que dans la société. En effet, il semble que l’auteur ne trouve pas nécessaire d’arguer de la valeur de l’être humain saisi en sa singularité. Par contre, il tâche plutôt à ne justifier que la supériorité absolue de la société sur la personne.

Tout comme l’homme ne peut exister que dans la société, et la société ne peut subsister sans une structure organique, cette structure, à son tour, ne peut exister sans un ordre de droit social.

C’est justement à travers cet ordre de droit social que le caractère immuable du tissu social est consacré et traduit dans un langage juridique parce que sous ce nom, on entend la somme de toutes les lois et dispositions qui déterminent les droits et les devoirs des membres de l’organisme social - individus et corporations - autant dans leur rapport réciproque que dans leur relation avec le tout, et qui assure à chacun le libre accomplissement de sa fonction.

De cette manière, l’ordre de droit de la société fournit à la dynamique sociale un sens précis, indique à chacun sa position et son statut et le rend capable d’agir au sens de son développement. C’est à travers cet ordre que chaque membre de la société, qu’il soit individu ou corporation, se voit reconnaître son espace de liberté - maintenant pourvue de valeur positive car déployée au sein de la société. Il est à noter que cette liberté n’est pas orientée vers la jouissance de certains droits, mais elle acquiert son sens au moment où elle devient le support nécessaire pour l’accomplissement d’un devoir. Par conséquent, il serait question uniquement d’une liberté de moyens et non pas d’une liberté de finalité, ce qui apparaît, en fin de compte, naturel si l’on pense que, à l’avis de Ion Mihălcescu, la finalité individuelle, inscrite dans la nature humaine, se retrouve dissoute dans la finalité sociale.

Tout comme dans le cas de la doctrine sociale, ici aussi, raison et révélation concourent pour soutenir et justifier le caractère naturel de cet ordre social.

L’ordre de droit a sa source, comme la société, dans la volonté divine, il est une partie essentielle de l’ordre général et surtout de l’ordre moral du monde, posé par Dieu et rendu connu à l’homme par la lumière de la raison, de l’observation de la nature, et par la lumière de la foi, de la découverte surnaturelle.

Fondé au-delà de l’homme et découvert par celui-ci au moyen de sa raison, l’ordre de droit social ne supporte pas contestation et pose une limite infranchissable aux législateurs dont l’effort est censé tendre vers une transcription aussi fidèle que possible dans la réalité sociale.

Le gardien de cet ordre de droit et, par conséquent - en remontant sur les pas de l’argumentation -, de l’existence sociale elle-même, est l’Etat.

Pour assurer la sauvegarde de l’ordre de droit, on a besoin de cette forme de société organisée qu’on appelle Etat et qui seul dispose, dans une mesure adéquate, des organes et des moyens nécessaires pour assurer le règne du droit.

Doté d’une tâche d’une telle importance, l’Etat fait lui-aussi partie des structures essentielles de l’existence humaine.

Institution divine, tout comme la société (...), son existence est postulée dans l’ordre naturel des choses. L’Etat a dû naître en même temps que la famille, comme forme spéciale de la société, sans laquelle la société ne pourrait exister, et non pas comme un produit du contrat, dans une période postérieure.

A remarquer que, de nouveau, Etat et famille sont juxtaposés dans l’argumentation, sans qu’aucune différence essentielle entre les deux soit mise en exergue. L’appartenance à la famille et l’appartenance à l’Etat sont, par conséquent, en égale mesure inévitables. Rien n’empêche ensuite de poursuivre le parallélisme pour construire l’image d’un Etat paternel dont l’action se déploie sur des êtres qui, à la manière des enfants, sont, par définition, incapables et demandeurs de tutelle.

L’Etat, société parfaite dans le langage scolastique, est le seul capable, à travers sa suffisance, de pourvoir à cette fonction essentielle qu’est la garantie de l’existence sociale. Puisque l’ordre de droit suppose la réglementation des rapports entre les parties de la société et entre ces parties et le tout, la mission principale de l’instance étatique est donc celle de veiller au respect de la justice dans la dynamique sociale.

Pour imposer ce respect, l’Etat se définit comme autorité - l’autorité sociale par excellence. Mihălcescu continue la comparaison organique et fait de l’Etat l’équivalent de la société pour affirmer que «l’âme de l’Etat est l’autorité».

L’autorité commande aux membres de la société et fait ordre dans leurs activités dans la poursuite du but commun, tout comme la tête commande les mouvements du corps humain.

Indéniablement, le tableau que l’auteur expose témoigne d’un caractère despotique. On saisi difficilement la liberté dont les parties de la société jouissent du moment que tout mouvement reçoit son impulsion du centre nerveux de la société qu’est l’instance étatique. De surcroît, aucune distinction n’est faite entre l’autorité et le commandement, et, par conséquent, ce dernier reçoit une intangibilité identique à celle l’autorité en son essence.

Le seul fondement capable d’assurer à l’autorité la stabilité, la durabilité et, à la fois, la légitimité est la divinité.

Seulement l’autorité qui vient de Dieu peut faire appel à la conscience pour la soumission aux lois et ce n’est qu’à une telle autorité qu’obéissent les gens.

Plus qu’une possible justification d’une éventuelle désobéissance, légitime dans le cas de l’inexistence du fondement divin, l’appel à la divinité se constitue en argument pour exclure la contrainte des modalités principales de mise en oeuvre des commandements de l’autorité. D’autre part, le recours à la conscience n’est valable qu’au sein d’une société dont les membres acceptent pleinement et unanimement les valeurs invoquées par l’Etat. Or, au moment où la communauté de finalité éclate, le recours à la contrainte devient inévitable et l’autorité devient despotique.

L’autorité est de deux types : abstraite - le droit ou les principes de droit, et concrète - la personne qui représente l’autorité, et tous deux trouvent leur fondement en Dieu, en poursuivant la conservation de l’ordre divin dans le monde.

Ce n’est qu’à travers ces arguments qu’est possible, aux yeux de Mihălcescu, de parler de souveraineté. La souveraineté et fondée en Dieu ou elle n’est fondée du tout. La souveraineté est censée être absolue et intangible et ce n’est qu’au moyen de sa dimension transcendante qu’elle l’est effectivement. Par conséquent, qui remplace donc la souveraineté de Dieu par la souveraineté du peuple, détrône par cela, en principe, tous les souverains.

De cette manière, même la modalité de transmission du pouvoir, que la doctrine sociale catholique avait qualifié d’aspect formel qui ne touche pas à l’essence de l’autorité, se voit ici réglementée. Mihãlcescu paraît refuser même le principe démocratique de la représentation. Dès lors, il s’avère assez difficile d’harmoniser la réflexion de cet auteur avec la revendication d’un caractère profondément démocratique formulée pas Solidaritatea.

De surcroît, le discours sur l’autorité pourrait clarifier la signification qu’acquiert, dans ce cas spécifique, l’activité politique, question qui n’exige pas, aux yeux de l’auteur du texte, un traitement particulier. Ce qui attire toutefois l’attention c’est que, puisque toute la vie de la société paraît s’organiser selon un schéma préétabli, la politique ne doit agir que dans le sens de la conservation, nullement pas dans le sens du changement des réalités existantes. Censée se faire l’expression d’un ordre immuable, elle acquiert le caractère d’une science - la science d’ordonner et de préserver toute composante à sa place. Pour reprendre une image fortement utilisée, la politique s’avère finalement être une technique capable de maintenir chaque élément dans sa case et non pas un art d’harmoniser des volontés libres et divergentes.

Deux éléments vient encore compléter l’image de cet ordre social chrétien, en diminuant un peu l’impression de sa rigidité poussée à l’extrême : la moralité et l’amour.

La moralité, expression de la volonté divine, préside à la dynamique sociale, oriente les comportements et raffermit les lois. En effet, l’ordre moral englobe l’ordre social et lui offre les repères autour desquels celui-ci est censé s’articuler. La morale est appelée ordonner non seulement les comportements des individus, mais elles est censée agir en morale publique, fournissant le critère de normalité pour juger des relations sociales. Dès lors, «les relations normales entre les citoyens ne peuvent pas durer s’il n’y a pas une moralité publique en vertu de laquelle soit assurée la confiance réciproque et condamnée la déshonnêteté, le vol, le mensonge...». De même, la sanction morale vient compléter et renforcer la sanction de la législation civile car

les lois elles-mêmes seront transgressées si elles ne seraient pas soutenues par la loi morale et si leur respect ne serait pas un dû de la conscience.(...) L’accomplissement des devoirs, la soumission aux lois, le respect de la personne et des biens du prochain, le respect des promesses, l’hônneteté, la sincérité dans les relations avec les semblables et telles autres qualités qui sont les piliers de l’ordre et du progrès social, trouvent leur fondement en Dieu en tant que fondement et garant de l’ordre moral [4] .

Finalement, il semble que, à l’avis de Ion Mihălcescu, la consécration des inégalités sociales, de la structures hiérarchique de la société comme relevant d’un ordre divin, n’est pas suffisante pour les rendre complètement acceptables. Inévitablement, «la supraordination et la subordination quant aux droits et aux devoirs crée une tension entre les individus, une collision entre les intérêts du supérieur et de l’inférieur». L’action de l’Etat dans le sens de l’apaisement de ces tensions n’est pas suffisante et même pas satisfaisante. Par conséquent, il est nécessaire qu’il y ait un élément qui unisse, qui rapproche, ce que le droit, par sa sévérité, sépare. Cet élément est l’amour qui se manifeste comme justice, douceur, modération de la part des autorités, comme soumission volontaire de la part des citoyens, comme respect de la part des états inférieurs aux états supérieurs, comme bienveillance réciproque entre tous les membres de la société.

A remarquer que la justice n’est donc pas considérée comme une vertu indépendante, une vertu supérieure, qui subordonne les actes des autres vertus et soit censée régir la société en son ensemble tant sur un axe vertical qu’horizontal, mais bien une forme de manifestation de l’amour qui imprègne de façon diffuse le corps social.

De surcroît, puisque «seule la religion peut apporter l’amour, qu’elle seule dispose de ce pouvoir magique qui lie l’homme plus durablement que le ciment lie les pierres», et que l’amour doit définir tout comportement au sein de la société, y compris celui des autorités envers les citoyens, il s’en suit que la religion occupe une place de premier ordre au sein de la société, en constituant le pilier fondamental de l’ordre social. Religion et politique doivent marcher de paire puisque «la religion est le facteur politique suprême et l’unique fondement des Etats» [5] .

 


 



[1] Ion Mihălcescu, «Rolul social al religiei», Solidaritatea, I, no. 1, 1920. Les citations de cette partie du texte, sauf indication contraire, sont extraites de cet article.

[2] Ion Mihălcescu cite, à cette occasion, et sans différencier, les noms de Hobbes, de Locke et de Rousseau.

[3] A remarquer qu’aucune différence n’y est faite entre «ordre de la société» et «ordre de l’Etat». D’ailleurs, au cours de son exposé, l’auteur emploie ces expressions de manière alternative, et leur confère une signification équivalente.

[4] A remarquer que, dans l’énumération, le devoir l’emporte sur le droit - l’obligation n’apparaît pas comme la suite naturelle d’un droit immanent à la personne, mais plutôt, le droit devient possible dans la mesure où les obligations sont respectées.

[5] A cette occasion, Ion Mihălcescu cite, à son appui, les paroles de Laboulaye

 

 

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