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Le
poporanisme. Le projet politique
La
démocratie paysanne
[1]
fait sûrement et de manière presque automatique
partie de l’identité intellectuelle et politique de Constantin Stere.
Il s’agit sans doute et au-delà des développements ultérieurs, d’un
syntagme qui reproduit fidèlement l’essence des convictions
et des intentions politiques de Stere.
Le
fil de l’argumentation au long duquel ce concept reçoit du sens
enchaîne quatre repères, peuple
– nation – démocratie – progrès,
qui constituent des pas indispensables de l’algorithme de construction
du projet politique poporaniste,
dont le dénominateur commun est la paysannerie.
Il
convient de dire que dans les lignes de Social-democratism
sau poporanism, le sens du mot peuple
fait l’objet des développement plus amples
[2]
. En effet, Stere distingue trois sens fondamentaux,
tous contenus et repris d’une manière plus ou moins critique
par la vision poporaniste. Ainsi, le peuple serait tout d’abord et au sens
le plus large «le groupe ethnique ayant un type culturel déterminé
et une vie spirituelle commune» qui se développe et se renforce par le
fait d’être ensemble - «împreună-vieţuire».
A la dimension culturelle et ethnique s’ajoute la dimension politique
– qui n’est initialement ni évidente, ni nécessaire - au moment
où la communauté en cause décide de s’offrir comme cadre
de son existence commune l’architecture politico-juridique de l’Etat
puisque «l’Etat c’est un peuple organisé». Par conséquent,
la «solidarité organique» du peuple est à doubler par la
«solidarité organisée» construite par voie politique
[3]
. En second lieu, le peuple comprend
toate
acele elemente sociale pozitive cari într-un moment dat au a îndeplini
o anume menire istorică în dezvoltarea socială şi politică
şi – în opoziţie cu elementele sociale negative – determină o nouă îndrumare
în viaţa naţională şi socială.
La définition générale est, par la suite, restreinte à un sens
plus limitatif : l’identification du peuple comporte un jugement
de valeur dont le critère fondamental est fourni par le progrès social,
un jugement à nuance idéologique et, à la fois, politique dans un sens
en quelque sorte schmittien dans la mesure où il découpe la communauté
politique entre amis et ennemis du développement social. Enfin,
sub
denumirea de ’popor’ se cuprinde (mai ales de către socialişti)
numai munca productivă în sensul strict al cuvântului, munca fizică
de braţe, excluzându-se munca intelectuală.
Bien qu’il refuse,
naturellement, l’exclusion opérée a travers cette dernière définition
à fort caractère idéologique, Stere considère que cette dernière, sans
contredire les deux premiers sens et identifiant le peuple à la «masse concrète des travailleurs»,
constitue le fondement essentiel de la vision poporaniste, justifiant sa légitimité démocratique et sa valeur de vérité. Dès lors, le poporanisme
serait une conception politique
démocratique - puisqu’il invoque l’«immense majorité» des «gens concrets
qui travaillent» et dont les intérêts s’identifient aux intérêts de la
société en son ensemble – et à la fois juste parce qu’il s’organise selon
«le critère fondamental du jugement moral» : «le peuple qui travaille
a toujours raison».
Elle
est bien intéressante la manière dans laquelle Stere suggère
ici une tentative de s’inscrire dans le paradigme de la théorie
de la démocratie développée au fil du XVIIIe siècle
et fondée sur l’hypothèse de la rationalité démocratique qui voit dans
le processus politique une délibération rationnelle censée mener vers
un certain intérêt général et dont le rôle est éminemment épistémologique :
la quête de la vérité.
En effet, partant d’une prémisse que Stere assume de façon implicite,
ce type d’argumentation repose sur l’idée fondamentale selon
laquelle les intérêts qui s’affrontent et animent une société
se trouvent, en dernière analyse, en harmonie, tandis que les conflits qui peuvent
apparaître ne représentent que des désaccords quant à l’identification
d’un bien commun, désaccords qui peuvent être surmontés au
moyens du débat rationnel. Dès lors, et dans
un sens qui est confirmé de manière diffuse par le discours de
Stere, la recherche de la véritable volonté générale aboutit, par le calcul
démocratique des majorités et des minorités, à l’identification
d’une vérité : l’avis de la majorité correspond à
la réalité, tandis que la minorité a une image fausse de la volonté générale
[4]
. Si l’on regarde l’histoire de la
pensée sur la démocratie comme une séparation progressive de deux principes
[5]
, de la souveraineté
populaire et l’intérêt général engendrant
la «démocratie populaires» d’une part, et les droits
de l’homme appuyant la «démocratie libérale» de
l’autre, alors, bien que démocratique en toute rigueur formelle,
le discours de Stere tend s’inscrire, de ce point de vue, dans la
première lignée.
Revenant aux
sens que Stere attribue au peuple, ce peuple, muni de cette triple définition, éprouve le besoin de la force
et de l’unité politique de la nation
pour pouvoir organiser par voie démocratique son épanouissement, un épanouissement
compris sous les espèces de la modernisation politique et économique de
la société.
Dans le cas roumain,
l’agent social de ce processus
ne saurait être celui que proposait l’idéologie marxiste, à savoir la
classe prolétaire. Dans le cas roumain, l’agent social de la modernisation
ne peut être que la paysannerie, décrite elle aussi en termes de classe
sociale, mais munie de caractéristiques et définie par une dynamique radicalement
différente de ceux qui sont associés au prolétariat industriel.
Aşadar,
am dreptul să afirm că ţărănimea…, constituie
o categorie socială deosebită, pe spinarea căreia s-au
ridicat toate celelalte clase sociale, neexcept
â
nd şi proletariatul industrial. Şi aceasta nu o spun numai despre
proletariatul nostru rom
â
nesc, care, - trăind dintr-o industrie, în mare parte factice, susţinută
din bugetul alimentat de contribuţiunile ţărăneşti,
- formează astfel in realitate o excrescenţă parazitară
pe corpul ţărănimii. (…) Dar, lucru ciudat, nu există
nici o clasă socială care, prin firea ei, să întrupeze
atâtea elemente ale progresului social, oric
â
t de paradoxal al părea la prima vedere, ca tocmai ţărănimea,
ca bază nediferenţiată a societăţii. (…) Progresul
social însă, în această direcţie, nu numai că este cu putinţă,
dar este singurul posibil pentru
noi
[6]
.
Dès lors, le
projet de Stere est à coup sûr un projet de classe, un projet de société
où la paysannerie, vue par l’idéologie et la sociologie d’inspiration
marxiste comme une composante insignifiante, amorphe, rétrograde, voire
temporaire de la société moderne, se voit assigner le rôle central dans
le changement social. par
conséquent, sur le plan de la doctrine, la classe paysanne remplace un
prolétariat qui s’avère dépourvu de spontanéité et trop fragile sociologiquement.
Dans la vision poporaniste,
le paysan ne saurait être le représentant rétrograde d’un ordre social
en train de disparaître, mais le porteur même du progrès social.
La condition
nécessaire et obligatoire du progrès résiderait dans la maturation politique
de toute société fondée sur des solidarités organiques, maturation entendue
comme prise de conscience du lien social «naturel». Tout groupe social
et, à l’avis de Stere, tout groupe dont le lien social est de nature ethnique,
doit avant tout s’offrir un cadre politique du développement. Autrement
dit, la transformation et le renforcement du lien culturel par le lien
politique constitue la prémisse indispensable de l’épanouissement.
…
pentru nici o grupare etnică nu e cu putinţă un rol activ
în progresul omenesc (…) decât dacă ea se constituie ca naţiune
desvoltându-şi însuşirile spiritului său propriu, geniul
său naţional
[7]
.
Il convient donc
que toute discussion sur le progrès social et sur l’aménagement du bien
commun dans une société donnée soit anticipée par la solution des disputes
ou des interrogations concernant l’unité politique. C’est parce que le
bien commun détermine une communauté politique dont l’étendue, la composition
et les traits font l’objet d’un débat fondé sur un accord de principes.
Fiecare
popor are nu numai dreptul, dar şi datoria să-şi afirme
voinţa de a trăi ca o unitate, să tindă la plenitudinea
de viaţă naţională şi să-şi apere fiinţa
sa etnică. Aceasta pentru o naţiune nu este numai o datorie
faţă de sine însăşi, faţă de jertfele tuturor
generaţiilor trecute, ca şi faţă de aspiraţiunile
celor viitoare, dar este şi o datorie faţă de omenirea
întreagă, faţă de civilizaţia universală. Căci
ce este omenirea decât o societate, o colaborare activă a tuturor
elementelor din care se compune, în vederea scopului obştesc, în
vederea acelor bunuri morale de ordine superioară care se cuprind
în cuvântul «civilizaţie»
[8]
.
A noter que la
perspective historique que Stere fait sienne témoigne d’une vision non-conflictuelle
sur l’évolution des sociétés. Son discours est tenu principalement en
termes moraux, de façon plus exacte en termes de droits et d’obligations
de nature morale. Le lien entre politique et morale est par cela établi :
la vertu politique réside dans l’accomplissement d’un devoir supérieur,
dans la capacité d’organiser le développement de la nation.
Qui plus est,
la nature des arguments que Stere entend apporter en faveur de son projet
est éthico-politique. Autrement dit, le progrès – dans sa forme immédiate
exprimée au moyen de la réforme agraire et de l’institution du suffrage
universel – acquiert de valeur dans la mesure où il se manifeste comme
dimension du bien commun. Un bien commun dont l’expression première et
obligatoire est la solidarité nationale, une solidarité qui s’avère toujours
problématique :
Românii
sunt un popor ce este încă departe de acea concentraţiune şi
coeziune naţională, condiţiunea necesară oricărui
progres
[9]
.
Conséquemment,
les réformes imaginées par le programme poporaniste auraient comme premier objectif
le renforcement et la rationalisation du lien social, dans la perspective
de l’accomplissement de l’unité politique :
Pentru
mine, reforma agrară - ca şi cea electorală, strâns legată
de ea – nu se înfăţişa numai ca o problemă socială
de o importanţă covârşitoare – dar… şi ca o condiţiune
necesară pentru afirmarea solidarităţii naţionale
şi pentru înfăpturirea unirii. În starea ţărănimii
din Regat, România nu putea servi ca centru de atracţiune pentru
românimea de peste hotare
[10]
.
De la sorte,
bien qu’il affirme que le lien national le plus fort est établi à travers
la communauté linguistique, Stere se déclare conscient de l’insuffisance
de ce critère de nature organique. La solidarité nationale n’est donc pas exclusivement
un produit naturel, mais, en égale mesure, le fruit d’un travail de construction
politique.
Où se trouve
alors l’articulation des deux tableaux peints par Stere et dont la cohérence
n’est pas évidente ? D’une part, la paysannerie, en sa qualité de
classe appelée à produire le développement, est vue comme n’ayant pas
encore atteint l’âge de la maturité politique ; en échange, le développement
ne saurait se produire qu’au sein d’un cadre politique et à l’aide des
instruments politiques.
A vrai dire,
en dépit du caractère éminemment rural et agraire de la société roumaine
de l’époque et nonobstant la qualité d’agent social majeur qu’elle se voit attribuer, la classe paysanne n’est
pas par elle même, aux yeux de Stere, un acteur
du processus de modernisation, elle n’est pas un acteur politique.
A crede că la noi
ţărănimea de rând poate avea acum de îndată un
rol de iniţiativă şi o organizaţie politică proprie
independentă, chiar în lupta ce se impune, fără amânare,
pentru democratizarea ţării, - înseamnă a părăsi
terenul ipotezelor permise pentru gândirea ştiinţifică
[11]
.
Or, le progrès
social ne peut être accompli que par voie démocratique. Comme il a été
déjà dit, Stere est un démocrate au sens qu’il prend le régime démocratique
– entendu plus comme formule juridico-politique, que comme état de la
société – pour le seul régime capable de répondre au besoins d’une société
qui aspire à une existence politique légitime et stable.
Democratismul
însă nu este numai o formulă abstractă a celui mai perfect
guvernământ, nici numai un postulat ideal şi moral al demnităţii
omeneşti. în împrejurările vieţii moderne, el este o condiţiune
sine qua non a reuşitei
în lupta popoarelor pentru existenţă, o condiţiune de conservare
naţională, - ca singurul izvor al energiilor individuale neînfrânate,
care poate asigura vitalitatea şi sănătatea unui neam (…)
… democratismul nu este numai o condiţie indispensabilă pentru
conservarea şi propăşirea naţiională, dar şi
o condiţiune tot atât de indispensabilă şi a progresului
social însuşi
[12]
.
En revanche,
la démocratie moderne, la démocratie représentative que Stere soutient
par sa revendication du suffrage universel, impose la constitution d’une
élite politique et, à la fois, la mise en marche d’un régime de collaboration
sociale car
Pretutindeni
democratismul s-a născut ca rezultat al colaborării, în lupta
politică, a claselor mijlocii (intelectualii în frunte) cu masele
muncitoare
[13]
.
La stratégie
politique majeure n’est dons pas la lutte des classe, ni la révolution.
Stere reproche aux social-démocrates le manque de flexibilité,
justifié uniquement par une exagérée loyauté doctrinaire, quant
au refus de la collaboration entre les composantes d’une société
[14]
. D’autre part, comme il a été déjà dit ci-dessus, la
perspective de la révolution est dès le début écartée comme étant sinon
«illicite ou criminelle»
[15]
, du moins complètement inopportune dans le cas roumain.
De même, pour
ce qui est du cas roumain, la stratégie révolutionnaire s’avère finalement
non seulement inutile - «aucune révolution n’est inévitable, si une réforme
la rende inutile»
[16]
- mais elle est en mesure de mettre en péril l’existence
du corps politique, la condition sine
qua non du progrès :
…
îmi dau seama tot aşa de bine ca şi orişicine de toate
scăderile şi de toate nemerniciile vieţii noastre de stat,
în faţa acestei chemări !… dacă însă ele ne
îndeamnă spre o politică hotărâtă de reforme adânci
şi largi, - ele nu ne pot ierta, în împrejurările concrete,
o acţiune revoluţionară, care
ar atinge la rădăcină puterea
însăşi a statului
[17]
.
La
politique poporaniste est, par conséquent, dans le
sillage du marxisme révisionniste, une politique de réformes. Tout comme
dans le cas de la social-démocratie moderne, l’idéal de la révolution
et de la lutte de classe est écarté en faveur des améliorations pacifiques
et surtout légales. A l’exemple des social-démocrates européens, contraints
en quelque sorte de devenir démocrates, au sens le plus propre du mot,
par leur attachement au suffrage universel, Stere voit dans le régime
démocratique une manière plus appropriée et plus fertile d’affirmer la
force de la majorité. Malgré sa faiblesse devant les tentatives organisées
de perversion ou de déviation, la chance de l’amélioration, de la contestation
et de la revendication pacifique de la justice érige la procédure démocratique,
du point de vue de sa qualité et de son efficacité, au-dessus du coup
révolutionnaire.
En
même temps, la défense de la démocratie représente une plaidoyer
singulier en faveur du politique et de l’invention politique. Le
réquisitoire du système oligarchique, de «la vie publique
roumaine, immobilisée entre l’attente de la ’transformation
sociale en Europe’ et la tentation de la révolution»
[18]
et la condamnation de l’absence de toute «vie
citoyenne»
[19]
à même d’inclure tous les membres
de la société est mis en équilibre par la défense de la dynamique politique
libre, de la décision résolue et de la confrontation des idées au sein
des institutions démocratiques :
Viaţa
politică nu e cu putinţă fără… «politic㻺i
«politiciani» (…), interesul superior nu cere înlăturarea
vieţii politice înseşi, ci numai o îndrumare a ei în alte direcţii
şi, prin urmare, impune crearea unor anumite condiţiuni, - adică
tocmai democratizarea instituţiunilor noastre
[20]
.
A
l’attachement au suffrage universel et au pluralisme politique s’ajoute,
comme il était à attendre, la revendication de la justice sociale. La
démocratie rurale qu’il décrit et en faveur
de laquelle il prône n’est pas seulement un régime politique qui assurerait
à tous la plénitude des droits politiques. De même, la démocratie de Stere
impose, à la fois, un certain aménagement socio-économique.
Dacă progresul
politic pentru noi se rezumă în idealul unei democraţii rurale,
evoluţiunea noastră economică, ca şi înfăţişarea
statului nostru, vor trebui, necesar, să-şi păstreze întotdeauna
caracterul lor specific ţărănesc, şi progresul economic,
deci, trebuie să ne conducă înainte de toate spre organizarea
întregii gospodării naţionale pe temelii ţărăneşti
: o ţărănime viguroasă, stăpână pe pământul
pe care îl munceşte şi pentru care, prin organizarea unui sistem
desăvârşit de societăţi cooperative, avantajele micii
proprietăţi sunt împreunate cu toate avantajele tehnice, accesibile
astăzi pentru marea proprietate
[21]
.
Par
conséquent, la démocratie rurale
décrit une façon, plus ou moins utopique, de «rendre justice» au niveau
économique et social à une catégorie sociale majoritaire. Si, dans sa
définition la plus simple, la justice c’est «donner à chacun ce qui lui
est dû», alors, en tant que groupe
social qui participe pleinement à la réalisation du bien commun, la
paysannerie est celle dont les voeux fourniraient le critère d’une organisation
juste en mesure de récompenser son effort.
… singurul mijloc
de a ne apropia de realizarea acestui progres constă : în întărirea
economică a ţărănimii, ca atare ; în ridicarea
culturii sale generale ; în îndepărtarea tuturor piedecilor
din calea desvoltării sale libere ; - într-un cuvânt, calea
progresului social nu poate fi deschisă pentru noi decât prin realizarea
unei adevărate democraţii rurale româneşti
[22]
.
Le
progrès social que Stere imagine n’est en dernière instance que la rationalisation
d’un développement organique. Un développement organique puisque censé
mettre en valeur et, simultanément, laisser intacte une constante socio-économique
de la société roumaine : la prééminence sociologique et économique
de la paysannerie dans la composition de la nation. L’aménagement politique
et l’organisation économique sont dès lors rapportés au bénéfice symbolique
et réel de la classe paysanne
[23]
.
Qui
sont donc les agents du bien commun
dans le projet construit par Stere, qui sont les groupes sociaux censés
accomplir les étapes du processus de modernisation ?
Comme
il a été déjà dit, les paysans, en leur qualité de catégorie sociale majoritaire,
ne se trouvent encore pas à l’âge de la maturité politique, il ne sont
pas encore capables de parler pour eux-mêmes. Par conséquent, la paysannerie
ne se constitue pas encore en sujet
social autonome
[24]
. Dès lors, bien que ayant assigné le statut de bénéficiaires
majeurs des fruits du progrès social, ils ne sont pas reconnus comme acteurs de ce processus.
D’autre
part, le régime démocratique, tel qu’il est décrit en Social-democratism sau poporanism, est par excellence un régime de
collaboration que apporte au devant de la scène une «alliance progressiste»
définie dans les termes d’une véritable «armée démocratique»
[25]
qui amène ensemble la paysannerie, la petite bourgeoisie
et les intellectuels. Il convient de noter que, au-delà de la participation
en quelque sorte spontanée au bien commun dans la mesure où les participantes
conçoivent leur action politique commune sous la forme de l’atteinte de
certains intérêts réciproques, la solidarité
de ces groupes est, à l’avis de Stere, rationnelle
puisque chacun peut entrevoir un bénéfice réel tiré de la démocratisation
des institutions politiques et du réaménagement des principes de la vie
sociale et de la dynamique économique.
Dans
cette perspective, la petite bourgeoisie, tant rurale qu’urbaine,
qui sent non seulement recevoir une récompense symbolique inappropriée
dans le système en place, mais qui se voit aussi victime politique
du régime, peut espérer tant un affermissement de sa position économique
à la suite d’un épanouissement du commerce dû à la
virtuelle consolidation de la position économique et au «renforcement
du pouvoir de consommation» de la paysannerie, qu’un accès
plus ouvert aux ressources symboliques, notamment au pouvoir politique
au niveau national et local.
D’autre
part, les intellectuels ont, à leur tour, l’intérêt
de soutenir le régime démocratique reformé puisque, en principe, il assurerait
l’accès libre à la notoriété selon l’unique
critère de la valeur personnelle. Il a été déjà dit que,
dans le projet poporaniste,
les intellectuels occupent une place privilégiée. Rejetant les critiques
formulées à l’adresse de l’inteligentzia
par la littérature socialiste, Stere affirme que les intellectuels représentent
toujours et en toute société «une classe ayant une fonction sociale spécifique et faisant partie des éléments sociaux positifs»
[26]
. Au moyen des mécanismes de la démocratie représentative,
ils seraient les plus en droit d’assurer le gouvernement et de prendre
en charge la responsabilité de la décision politique. Autrement dit, la
démocratie de Stere se définirait en dernière instance comme gouvernement
des meilleurs en faveur des plus nombreux. La démocratie représentative
imaginée par le poporanisme revêt l’habit d’une aristocratie élective.
Évidemment,
au sein du régime démocratique, la représentation de la classe paysanne
et, en égale mesure, des autres catégories sociales, ne peut de produire
que d’une façon organisée par l’intermédiaire des partis politiques.
La représentation proportionnelle fournit
l’artifice à l’aide duquel le pouvoir social de la
paysannerie est traduit en volonté politique. En effet, la transformation
du pouvoir social en volonté politique réelle et manifeste représente,
aux yeux de Stere, l’unique raison d’être des partis
politiques :
Nici un partid
politic nu are raţiune de a fi decât dacă poate urmări
cucerirea puterii politice prin forţele lui proprii, pentru realizarea
scopurilor sale sau, cel puţin, dacă poate avea o înrâurire
directă şi pozitivă asupra afacerilor publice. Aceasta
presupune însă că acel partid se poate efectiv răzima pe
o anumită categorie de interese sociale, născute în sânul societăţii,
ca problemele ei proprii. în afară de aceste condiţiuni nu poate
naşte, trăi şi creşte un adevărat partid politic,
ci, cel mult, o societate metafizică, un cenaclu literar, un cerc
de admiraţie mutuală, un club de dezbateri – într-un cuvnt o
grupare, poate de suflete nobile, care însă se mulţumesc cu
conştiinţa superiorităţii lor în mijlocul acestei
lumi păcătoase, fără să simtă nevoia unei
acţiuni pozitive…
[27]
Toutefois,
la représentation mise en ¶uvre par le truchement de l’organisation partisane
est censée rester toujours incomplète et cela non pas tant au niveau de
la décision politique qu’au niveau de la mobilisation sociale :
Nici un partid
de mase nu poate în adevăr înregimenta în cadrele sale toată
clasa socială pe care se reazimă. Experienţa unor alte
partide de această structură, ca cele socialiste, care se reazimă
pe proletariatul industrial, ne dovedeşte cu vigoare acest adevăr
[28]
.
C’est
pourquoi, pour le poporanisme,
la représentation politique doit être complétée par un mandat
impératif d’ordre moral destiné à vérifier et actualiser la fonction
positive des partis politiques dans la poursuite du bien commun.
Din punctul de
vedere al mecanismului de progres în sfera socială şi politică,
în adevăr, un partid nu are dreptul să revendice «puterea»
decât pentru realizarea programului care întrupează aspiraţiunile
acelor categorii sociale pe care el le reprezintă
[29]
.
A la différence de ses contemporains plus illustres, Roberto Michels ou Michel Ostrogorski, concentrés relativement dans la même époque sur l’étude de la fonction représentative et du rôle des partis politiques, Stere adopte une perspective à dimension éthique évidente au moment où il définit la signification et la mission politiques des partis. Celui-ci serait donc chargé de représenter ce que l’on pourrait appeler les «intérêts moraux» d’un groupe social auxquels tout type d’intérêt économique se voit ordonné. Dès lors, de cette manière, la démocratie paysanne est, avant tout, une construction éthique
[1]
Le concept de démocratie
rurale ou paysanne sera
remplacé et développé plus tard par celui d’Etat
paysan. Bien que cette démocratie paysanne imaginée par Stere anticipe
les thèses de l’Etat paysan, celui-ci ne gagnera vraiment
de poids dans la doctrine du Parti paysan qu’au début des années
’30, sans jouir toutefois de réels approfondissements doctrinaires.
Il convient d’ajouter que, tel qu’il ressort des propos
des représentants de ce courant de pensée, l’Etat paysan apparaît
plutôt comme un idéal social à suivre de façon graduelle qu’en
tant que projet viable de réforme sociale. Voir à cet égard Z.
Ornea, Ţărănismul. Studiu sociologic, pp. 315-325.
[2]
Constantin Stere, Social-democratism…,
pp. 236-240. Les citations qui suivent, sauf indication contraire, sont
reprise de cette partie du texte.
[3]
On emploie ces syntagmes dans le sens arrêté
par Alexandru Duţu, Ideea de Europa. Evoluţia conştiinţei
europene, Bucureşti, 1999, surtout le chapitre «Binele
comun şi mâna invizibilă», pp. 114-154.
[4]
Voir Adam Przeworski, Democratia
şi economia de piaţă. Reformele politice şi economice
în Europa de Est şi în America Latină, trad. D.-I. Paradowski,
Bucarest, 1996, pp. 101-102.
[5]
Alain Touraine, Critique
de la modernité, Paris, 1992, p. 376.
[6]
Constantin Stere, Social-democratism…, p. 70-73.
[7]
Ibidem, pp. 125-126.
[8]
Constantin Stere, Singur împotriva tuturor, p. 89.
[9]
Constantin Stere, Social-democratism…, p. 242.
[10]
Constantin Stere, Documentări
şi lămuriri politice, p. 17.
[11]
Constantin Stere, Social-democratism…, p. 197.
[12]
Ibidem, pp. 186-187.
[13]
Ibidem, p. 191.
[14]
«Necesitatea colaborării politice
între elementele menţionate [ţărani, burghezie urbană,
intelectuali] apare cu desăvârşire necompatibilă cu formele
sacramentale curente ale politicei social-democrate, pătrunsă
de credinţa în antagonismul indelebil de clase», Constantin
Stere, Social-democratism…,
p. 190.
[15]
Constantin Stere, Documentări
şi lămuriri politice, p. 185.
[16]
Constantin Stere cité par Costin Muergescu, Mersul ideilor economice la români, vol. II, p. 135.
[17]
Constantin Stere, Social-democratism…, pp. 177-178.
[18]
Ibidem, p.
183.
[19]
Ibidem, p. 197.
[20]
Ibidem, p. 200.
[21]
Ibidem, p. 213.
[22]
Ibidem, p. 74.
[23]
Sans nier la possibilité d’un développement
particulier de l’industrie nationale, Stere imagine un type d’organisation
industrielle censé être et rester un auxiliaire de l’économie
agraire autant du point de vue de son poids économique, que sous le
rapport du support sociologique. Autrement dit, un type d’organisation
à même de ne pas mener, à moyen et long terme, à
la prolétarisation d’une partie importante de la paysannerie :
«un tip de organizaţie industrială care, fără
să distragă populaţiunea muncitoare de la munca câmpului
în lunile de vară, să-i dea o ocupaţiune productivă
în lunile de iarnă (…) în astfel de condiţiuni nu se
poate dezvolta decât industria casnică, o industrie ţărănească
pentru care piaţa externă nu este indispensabilă şi
care tinde în primul rând de a satisface cerinţele consumaţiunii
interne», C. Stere, Social-democratism…,
pp. 214-215.
[24]
«Parler de soi implique de se débarasser
des porte-paroles imposés pour se constituer en sujet autonome»,
Pierre Rosanvallon, Le peuple introuvable, Paris, 1998, p. 285.
[25]
Constantin Stere, Social-democratism…,
pp. 196-207. Il est à remarquer que le langage dont Stere entend
user pour décrire le processus de démocratisation et de modernisation
acquiert des connotations militaristes, se rapprochant ainsi de la rhétorique
socialiste qui en emploie abondamment à la fin du XIXe
siècle.
[26]
Constantin Stere, Social-democratism…, p. 203.
[27]
Ibidem, p. 8.
[28]
Constantin Stere, Documentări
şi lămuriri politice, p. 70.
[29]
Ibidem, p. 168.
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