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Une  impasse  politique

 

La pensée politique de gauche a rarement joui d’un prestige explicite en Roumanie sinon dans l’intervalle circonscrit par l’installation, respectivement la chute d’un régime qui - bien qu’il ait paru avoir gagné, du point de vue statistique, un appui relativement important de la part de la population [1] , tant en rapport avec l’ensemble de la société, qu’avec l’état des autres pays de l’Europe Centrale et Orientale – a légué, après sa disparition, une mémoire collective ou bien couverte de blâme, ou bien occultée, ou bien, tout simplement, rejetée. Bien que la scène publique roumaine, pré- et post-communiste ait connu et connaît encore la présence des acteurs politiques qui revendiquent une position à la gauche de l’échiquier politique, ceux-ci ne semblent pas avoir réussi vraiment à s’imposer devant un discours à vocation libérale plus ou moins sincère, qu’il soit d’orientation «nationale» ou «occidentale».

Il convient de préciser dès le début que, au sens de cette enquête, la pensée de gauche porte sur les textes et les auteurs pour lesquels le problème social roumain est approché sous les espèces du progrès, compris comme catégorie normative du devenir historique. Plus explicitement, à la différence de la pensée de droite qui conçoit l’évolution sociale dans la forme organique du développement naturel et de l’accident, la pensée de gauche serait tentée à rationaliser le sens du parcours d’une société en rapport avec un ensemble de normes éthico-politiques. Naturellement, de pareilles précisions sont inévitablement simplificatrices [2] , mais elles s’avèrent en même temps nécessaires du moment que la droite et la gauche représentent déjà des catégories universelles de la politique, des notions fondamentales qui rendent compte du fonctionnement politique des sociétés contemporaines [3] .

Sans doute, de l'Indépendance à la Première Guerre et de l’Union a l’avènement du régime communiste, la principale difficulté méthodologique dont la pensée politique roumaine s’est heurtée pourrait être formulée brièvement comme il suit : comment peut-on poser la question du progrès social dans un pays où le ressort – reconnu par l’idéologie marxiste – de ce processus fait défaut ? Autrement dit, quels seraient les mécanismes d’adaptation et de construction de la pensée et du discours politique roumain à vocation sociale dans une époque où ceux-ci ne peuvent ignorer les affrontements et les concentrations doctrinaires d’une Europe Occidentale qui semble confirmer l’ascension des idées d’inspiration socialiste ou, à tout le moins, sensibles à la dimension sociale de la dynamique économique et de l’action politique et, surtout, d’une Europe Occidentale confiante dans la capacité de circulation, dans la force de persuasion et dans la pouvoir des idées à modeler la réalité [4]  ?

 


 



[1] Daniel Barbu, Şapte teme de politică românească, Bucureşti, 1997, pp. 53-54. Selon les indices statistiques et dans une perspective comparative, après l’avènement du régime communiste, les Roumains paraissent avoir été les plus enthousiastes à joindre le Parti Communiste.

[2] «Gauche et droite ne désignent pas que des idéologies. Les réduire à une pure expression serait une simplification indue: ces termes désignent des programmes opposés à l’égard de nombreux problèmes dont la solution appartient à l’action politique, des divergences non seulement d’idées, mais aussi d’intérêts et d’appréciation sur la direction à donner à la société, qui existent dans chaque société et dont on ne voir pas comment elles pourraient disparaître», Norberto Bobbio, Droite et gauche, Paris, 1996, pp. 43-44.

[3] Ibidem, p. 26.

[4] La prééminence du projet sur l’action politique c’est un trait de la modernité politique. Voir Pierre Manent, Histoire intellectuelle du libéralisme, Paris, 1987.

 

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Last update: January 2003
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