3.4.2.      Le modèle de flexion
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3.4.2.1.Les temps du présent

En portugais, les verbes empruntés connaissent le jeu des alternances déterminées par la métaphonie et sont intégrés sans aucune difficulté dans le modèle de flexion des verbes hérités: expedir, impedir (d’après pedir), divertir, preferir, demolir. En portugais et en catalan, les alternances provoquées par le changement de la place de l’accent durant la flexion se réalisent dans les verbes empruntés, tout comme dans les verbes hérités.

En espagnol les verbes empruntés dont la voyelle du radical est {E, O} peuvent adopter le modèle de flexion des verbes hérités, en présentant l’alternance ‘voyelle – diphtongue’: comprobar (d’aprés probar), referir, pre­ferir, adherir (par analogie avec ferir?), advertir, divertir (par ana­lo­gie avec verter?), confesar, manifestar, digerir, mais la grande majorité ne connaissent pas la diphtongaison (quelle que soit la quantité originaire de la voyelle du radical étymologique). D’autres sont soumis à la fer­me­ture de la voyelle: repetir. Les verbes en ‑uir acceptent le ‑y- dans leur fle­xion, sur le modèle hérité (atribuyo).

Les verbes du premier groupe empruntés par le français renforcent un ty­pe d’alternance faiblement représenté par les verbes hérités: [ε] vs [e] (cé­der, répéter, succéder). Les formes paradigmatiques des verbes dé­ri­vés à base héritée suivent en général la flexion anomale de ceux-ci, sauf quelques cas de ‘régularisation’: vous contredisez, qu’il prévale vs vous dites, qu’il vaille etc.

En roumain, les verbes dont la voyelle du radical est {E, O} ne présentent que rarement les conséquences de la métaphonie; ce qui est surprenant c’est que, pour la même base étymologique, le comportement du radical peut être différent d’un dérivé à l’autre: à côté de neagă, abneagă, re­nea­gă, de­nea­gă, il y a convoacă, provoacă, mais evocă, revocă; deleagă, mais relegă. L’a­doption du suffixe d’élargissement par une grande partie de ces ver­bes a été une possibilité d’éviter le jeu des alternances[1].

3.4.2.2.Les temps du passé

Les verbes empruntés suivent les modèles du parfait et du participe caractéristiques pour la flexion des verbes hérités.

Dans les langues ibéro-romanes, la préférence pour les formes faibles est évi­dente aussi dans les emprunts, favorisée naturellement par l’adoption de la conjugaison en ‑ire. Les dérivés exhibent des formes fortes de par­fait et de participe à condition qu’elles soient caractéristiques aussi de la base héritée (esp. condujo, tradujo; impuso). Lorsque la relation avec la base ne s’est pas conservée, les emprunts ont adopté des formes faibles: ptg. quis, mais requerer à prétérit faible, esp. quiso, mais adquirió.

La propension du français pour la première conjugaison explique la rareté des formes fortes du participe dans les emprunts. De leur absence dans le système verbal il résulte une certaine appréhension du français pour des participes forts à emploi uniquement adjectival, qui s’avèrent être plus fréquents dans les autres langues.

En italien, la conservation du prétérit sigmatique et des participes forts en ‑s- et en ‑t- dans le fonds hérité permet une adaptation des emprunts plus près du modèle offert par le latin. La multiplicité de variantes qui sont at­tes­tées par la langue ancienne (pour les verbes hérités – des variantes hé­ri­tées, mais aussi des analogies ou des formes refaites sous la pression de l’in­fluence latine; pour les verbes empruntés – des variantes empruntées, mais aussi des analogies ou des formes refaites sous la pression des for­mes héritées) montre que ce nouvel équilibre n’a pas été facile à obtenir: la flexion italienne porte aujourd’hui encore les traces de cette concur­ren­ce entre héritage et emprunt, dans laquelle les verbes em­prun­tés ont renforcé en italien les formes fortes du prétérit et du participe.

La plus grande partie des prétérits et des participes des verbes empruntés se soumettent aux modèles offerts par les verbes hérités[2], en donnant de l’extension à des séquences qui ne s’expliquent pas à partir du paradigme du verbe latin: les formes sigmatiques sont présentes même là où elles ne figuraient pas dans la conjugaison du verbe latin emprunté:

redigere: redegi – redactum → redigere: redassiredatto, d’après le mo­dè­le des verbes dont la finale de l’infectum est une vélaire intervocalique[3]

excellere: excellui – excelsum → eccellere: eccelsieccelso

pellere: puli – pulsum → pellere: pulsipulso

scindere: ‑scidi – ‑scissum → ‑scindere:scissi – ‑scisso

Il y a des verbes qui ne se soumettent pas à la généralisation d’un seul modèle:

-pandere: ‑pandi / ‑pansum (passum) → espandere: espansiespanso, mais spandere: spandeispanto

propendere: propendeipropenso ¹ pendere: pesipeso

-cedere: ‑cessi – ‑cessum → ‑cedere: ‑cessi – ‑cesso (cedere sans préfixe a des formes faibles dans la langue contemporaine, mais des variantes en ‑ss- sont attestées dans la langue ancienne).

Ce sont les seuls verbes dont l’infectum finit en dentale (précédée ou non de consonne nasale) qui exhibent une déviation de la règle générale de formation du prétérit italien.

Pour des verbes dont la finale consonantique est peu fréquente (‑m‑), le traitement différent des termes hérités et des emprunts est évident:

premere: pressi – pressum > premere: premeipremuto, dar → ‑primere: ‑pressi – ‑presso

Des analogies entre différents emprunts se sont peut-être produites:

sumere: sumpsi – sumptum→ ‑sumere: sunsisunto

redimere: redemi – redemptum→ redimere: redensiredento.

Les remarques relatives à l’italien ne sont que partiellement valables pour le roumain: appuyés par les structures phoniques des verbes hérités, les emprunts qui se main­tiennent à la IIIe conjugaison permettent les formes sigmatiques (il s’agit soit de ver­bes dont la base est ‑duce, ‑zice, ‑pune, ‑trage, soit de verbes en ‑d-, ‑nd-, ‑ng-, qui, mê­me s’ils n’ont pas de relation avec des verbes base, se placent dans des séries actives du type: în­chi­de, întinde, încinge); les participes en ‑t- sont rares (comme d’ailleurs pour les ver­bes hérités: des dérivés dont la base est ‑rupe). Pourtant, même dans ces conditions, toutes les formes paradigmatiques des verbes em­prun­tés ne sont pas toujours réalisables (des verbes comme a divide, a diverge n’ont pas de pré­térit ou de participe). D’autres ne se sont pas imposés et la difficulté de leur con­ju­gaison peut avoir servi de motivation: a percure, a recepe, a exige, a ocurge, a rege, etc.

 



[1] Parmi les verbes sans alternances et sans suffixe d’élargissement, il y a: dislocă, apro­bă, reprobă, adoră, adoptă, abrogă, prorogă, subrogă, constă, concordă, acor­dă, transportă, exportă, transformă, sufocă, ignoră, imploră, speră, detestă, disecă, contemplă, atestă, contestă, agregă, segregă, acceptă, conservă, observă, pre­zervă. Va­riantes anciennes: alteră pour alterează, coloră pour colorează, admi­nistră, ar­ti­cu­lă, asimilă, d’une part, et circulează pour circulă, derivează pour derivă, de l’autre.

[2] Des variantes faibles dans la langue ancienne pour -lidere, -ludere.

[3] S. Reinheimer & L. Tasmowski, Les verbes italiens à prétérit sigmatique, Diachro­nie et synchronie, in Il tempo. I tempi. Hommage Lorenzo Renzi, Esedra, Padova, 1999, p. 235-250.

 

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Last update: June 2004. This book was first published on paper by the Editura Universitatii din Bucuresti, under ISBN 973-575-879-2
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