Chapitre III, dans lequel Mitru Perea s’essaie également à une définition positive de la littérature

Je suis fermement convaincu qu’on ne peut pas critiquer la définition de la littérature à laquelle je viens d’aboutir à l’aide de mon très fidèle élève Jean Cohen. Il est intuitivement clair que la poésie est un ensemble d’infractions à l’utilisation ordinaire de la langue, pour ce qui est du plan de l’expression aussi bien que du contenu. Et d’ailleurs, Cohen donne un corpus de textes très compréhensif (qui s’échelonnent du XVIIe au XXe siècle) et montre, statistiques à l’appui, d’une part le nombre très élevé d’écarts qui existent dans la poésie par rapport à la prose ainsi que le fait que ce nombre s’accroît au fur et à mesure qu’on s’approche du XXe siècle (il s’agirait selon lui d’un devenir de plus en plus pur de la poésie).

Imaginons toutefois, rien que pour nous amuser, qu’il y a quelqu’un d’assez obtus pour ne pas vouloir se rendre à l’évidence. Qu’est-ce qu’il devrait faire pour démolir ma théorie? Il devrait évidemment s’attaquer aux points forts de mon argumentation. Il devrait par exemple prouver que les sens dénotatif et connotatif ne sont pas exclusifs l’un de l’autre (et, pour ce faire, il devrait prouver que ce que j’ai nommé fonction cognitive et fonction émotive de la conscience peuvent agir simultanément). Il devrait prouver peut-être aussi que la maxime exigeant de tout message qu’il soit intelligible ne joue pas toutes les fois où l’on communique. Il devrait enfin démontrer que la démarche comparative elle-même est pour une raison ou pour une autre erronée. Je dirais même que s’il était réellement habile, il se contenterait de s’attaquer à ce dernier aspect, car s’il pouvait vraiment prouver que, pour une quelconque raison, la comparaison du langage poétique avec le discours normal est impossible, l’ensemble de l’édifice s’avérerait extrêmement précaire. Il resterait, probablement, de mon discours et du discours de Cohen bien des propositions intéressantes, mais comme suspendues dans le vide et donc très peu fiables, car elles ne seraient plus sous-tendues par un discours qui les justifie! Bien que je doute fort du succès d’une telle démarche, j’essaierais de voir, par honnêteté intellectuelle (et pour m’amuser, comme je le disais déjà), ce qu’un esprit assez tordu pourrait inventer contre cette démarche d’une impeccable logique.

Eh bien, il pourrait dire qu’on ne saurait comparer le langage poétique avec la norme non pas parce que, de l’aveu même de Cohen, «ce code du langage par rapport auquel se définit la poésie n’a été explicité nulle part», mais pour la simple raison que ce code n’existe tout bonnement pas, qu’il n’y a pas de norme. Là où Cohen parlait d’une sorte de degré zéro stylistique, d’un discours absolument transparent, il parlerait peut-être de contextes: il y a, dirait-il, certains contextes dans lesquels on emploie le langage d’une certaine manière et d’autres contextes dans lesquels on utilise le même langage d’une autre manière, sans qu’on puisse pour autant dire qu’une seule de ces utilisations est «normale», «légitime», etc. et que toutes les autres en sont la transformation, voire la transgression.

Si je réfléchis bien, cette attaque ne serait pas si insensée que j’avais l’air de le croire. En effet, j’ai pensé avec Cohen qu’il y a une utilisation «centrale», «fondamentale» du langage, notamment l’utilisation cognitive (c’est la raison pour laquelle j’ai si vite acceptée l’idée conformément à laquelle il y aurait une maxime d’intelligibilité). J’ai pensé avec lui que le langage sert principalement et fondamentalement à décrire le monde (à dire, par exemple, que «le ciel est bleu») et, secondairement et accessoirement, à exprimer mes réactions affectives au contact du monde. Mais le langage peut servir à d’autres fins aussi: lorsque je donne un ordre, par exemple, il est évident que je ne décris pas ce qui est; ce que j’essaie de faire c’est de provoquer un changement dans le monde. Puisqu’il s’agit de deux choses parfaitement distinctes, il est à penser que les règles de la première ne sauraient être valables pour la seconde aussi. J’ai commis donc l’erreur de faire du langage descriptif et de l’une de ses règles (l’intelligibilité) une sorte de paradigme de toute communication, une sorte de «genre suprême», pour parler avec Jean-François Lyotard [1] , genre auquel je pensais qu’on pouvait ramener tous les autres «genres», simples «écarts», simples «transgressions».

Or, je m’aperçois maintenant que rien ne m’oblige à faire ces suppositions: pourquoi ne pas dire par exemple, avec Vico et Julia Kristeva, deux esprits toutefois si différents, que c’est l’utilisation «poétique» du langage qui est la «norme» et que son utilisation «prosaïque» en est la «transgression»? Il est vrai qu’en le faisant, je ne résoudrais quand même pas le problème, car je continuerais de penser en termes de «norme» et d’«écart», mais l’idée me semble pourtant intéressante, car elle inverse les conséquences de l’approche de Cohen: ce n’est plus, cette fois, le poète qui serait «fou» et devrait être défendu, mais l’usager de la «prose» et en tout premier lieu le scientifique, si tant il est qu’il est le plus proche du pôle «prosaïque».

Quoi qu’il en soit, cette objection que je me suis imprudemment adressée me fait douter de ce que je tenais pour sûr jusqu’il y a peu. Il me semble maintenant que je dois accepter qu’il y plusieurs «genres» de discours sans qu’on puisse pour autant parler d’un «genre suprême». Et il me semble surtout que, même s’il y avait une «norme», elle ne pourrait pas m’aider à identifier la «littérarité» et voilà pourquoi. Si ce que mon « bon sens » me dit est vrai, notamment que ce n’est pas de la même façon qu’on parlait «normalement» il y a deux siècles et aujourd’hui, s’il était vrai que le texte littéraire est obtenu par un ensemble d’infractions quant à la manière «normale» de parler, un seul et même texte serait tantôt «littéraire», tantôt non littéraire. La «littérarité» dépendrait ainsi de quelque chose qui lui serait extérieur, ce qui entre en contradiction avec l’une de mes convictions les plus fortes, notamment avec l’idée (à laquelle je ne vois aucune raison de renoncer) qu’elle est immanente au texte.

Parlant d’«immanence» je m’aperçois d’une autre erreur, la plus grave d’ailleurs, de mon élève [2] . Lorsqu’il disait que l’objet d’une poétique scientifique est d’identifier les «caractères qui sont présents dans tout ce qui est classé “poésie” et absents dans tout ce qui est classé “prose”», Cohen partageait avec moi l’idée que les traits en question doivent caractériser les textes et non pas autre chose. Est-ce l’intelligibilité d’un message de ce dernier, une caractéristique immanente? Le «bon sens» que j’ai déjà invoqué dit que non. En effet, lorsque j’ai lu pour la première fois La Phénoménologie de l’esprit je dois avouer ne pas avoir compris grand-chose; en reprenant le texte, j’ai peu à peu commencé à comprendre: est-ce que je peux soutenir que le texte de Hegel avait changé entre temps? Certainement pas: l’« intelligibilité » est peut-être fonction de certaines propriétés textuelles (ne dit-on pas qu’il y a des textes « difficiles » et des textes « faciles »?), mais aussi et surtout des capacités intellectuelles de ses destinataires. Je dirais même plus: si j’étais Dieu [3] , si ma faculté d’intellection était donc illimitée, il n’y aurait pas pour moi de message inintelligible.

Force m’est donc de conclure que je me suis trop avancé – et exposé! – en croyant en l’efficacité de la démarche comparative. Mais cela n’annule nullement la pertinence de ma thèse que j’ai formulée en trois points: (i) il y a des textes littéraires; (ii) ce qui fait leur «littérarité» est l’existence dans cet objet de langage appelé œuvre littéraire d’un faisceau de propriétés linguistiques; (iii) ces propriétés caractérisent les textes littéraires, tous les textes littéraires et uniquement les textes littéraires. Au lieu d’essayer de comparer textes non littéraires et textes littéraires, j’aurais dû faire interroger franchement ces derniers pour voir ce qu’ils sont en eux-mêmes. C’est ce que je ferai maintenant en m’appuyant, une fois de plus, sur un expert, et l’un des plus grands: Roman Jakobson [4] . Surtout qu’il a prévu, trente ans avant Cohen, les difficultés qu’une définition négative de la littérarité peut rencontrer [5] .

Roman Jakobson partage avec Cohen l’idée qu’il existerait une norme, un code commun à tous les usagers d’une langue: «Sans aucun doute, pour toute communauté linguistique, pour tout sujet parlant, il existe une unité de la langue», affirme-t-il, avec raison, je crois, car s’il n’y avait pas un tel code commun, on ne pourrait pas s’entendre. Et il continue, en nuançant l’idée: «mais ce code global représente un système de sous-codes en communication ré­ciproque, chaque langue embrasse plusieurs systèmes simultanés dont chacun est caractérisé par une fonction différente» [6] . La remarque est importante: bien qu’ils utilisent le même code, tous les usagers d’une langue ne l’utilisent pas de la même façon et, il est permis de dire en poursuivant la pensée de mon célèbre élève, chacun de ces usagers ne l’utilise pas toujours de la même façon. Cela ne veut nullement dire que chacun est libre de parler comme bon lui semble: les diverses utilisations qu’on peut faire de la langue ne sont pas commandées par quelque chose d’extralinguistique, mais par quelque chose d’immanent à la langue, notamment par les fonctions qu’une langue, quelle qu’elle soit, peut remplir.

On peut identifier ces fonctions, continue Jakobson, à partir des facteurs constitutifs de tout acte de communication verbale. Pour qu’il y ait communication, il doit y avoir nécessairement un destinateur et un destinataire. Il doit y avoir également quelque chose à transmettre, un message; ce dernier doit renvoyer à quelque chose, à un contexte, dit Jakobson (quant à moi je dirais un référent [7] ). Évidemment, pour qu’on puisse communiquer le message, le destinateur et le destinataire doivent parler la même langue, doivent partager, en tout ou en partie, le même code. Enfin, entre les deux il doit y avoir également un canal physique permettant la circulation du message, un contact. Voilà donc les éléments constitutifs de toute communication verbale, qu’on peut présenter schématiquement comme suit:

 

 

 
CONTEXTE

 

DESTINATEUR

………
MESSAGE

………

DESTINATAIRE

 

 
CONTACT

 

 

 
CODE

 

 

Selon qu’on met l’accent sur l’un ou l’autre de ces facteurs, on fait jouer une certaine fonction du langage. Comme ces facteurs sont au nombre de six, il n’y a que six fonctions qu’une langue naturelle peut remplir. Mettons que, en entendant sur la ligne téléphonique un léger grésillement, je dis à mon interlocuteur: «Allô, vous m’entendez?». Il est clair que dans ce cas mon attention porte sur le fonctionnement du circuit – le «contact», dans la terminologie de Jakobson. Ou bien, lorsque, en voulant enfoncer un clou, je me tape sur le doigt et je m’écrie «Aïe!»: mon attention, en tant que destinateur de ce bref message, porte sur moi-même. Au contraire, lorsque je dis à quelqu’un «Sortez», la communication est au contraire orientée vers le destinataire, comme elle est orientée vers le code lorsque j’explique à quelqu’un le sens d’un mot qu’il ne connaît pas ou vers le référent lorsque à la question «Mais où est donc passé le chat?» je réponds «Le chat est sur le paillasson». Regardons dans le tableau suivant les six fonctions du langage avec cette précision que chacune figure dans la case dans laquelle dans le tableau précédent figuraient les facteurs constitutifs de la communication:

 

 

référentielle

 

émotive

poétique

conative

 

phatique

 

 

métalinguistique

 

 

On remarquera que l’attention portée au message fait jouer ce que Jakobson appelle la fonction poétique de langage: «La visée (Einstellung) du message en tant que tel, l’accent mis sur le message pour son propre compte, est ce qui caractérise la fonction poétique du langage» [8] . Cette fonction, ajoute le poéticien, et la remarque est extrêmement importante, «met en évidence le côté palpable des signes [et] approfondit par là même la dichotomie fondamentale des signes et des objets» [9] : le texte ne se laisse plus traverser par le regard dans la direction du sens et retient l’attention par lui-même et pour lui-même – telle une chose, qui, opaque, ne renvoie pas à quelque chose d’autre, à quelque chose qui lui soit extérieur, et retient prisonnier le regard.

Avant de détailler la fonction poétique, précisons, et toujours avec Jakobson, que lors de l’emphatisation du message il n’y a pas que la fonction poétique du langage qui est actualisée: toutes les autres fonctions du langage entrent en jeu, seulement elles ne jouent qu’un «rôle subsidiaire, accessoire» [10] Autrement dit, la fonction poétique domine [11] dans la poésie, la fonction référentielle domine dans la relation qu’un journaliste, par exemple, fait des débats du Parlement et la fonction conative domine lorsque je décroche le téléphone et prononce la formule rituelle «Allô!» et ce sans exclure les autres fonctions.

La question qui se pose maintenant est de savoir à quoi on peut reconnaître pratiquement que, lors de la production de tel ou tel texte, on a prêté une attention toute particulière au message, car il est clair que la simple identification de l’intention ne suffit pas: elle doit laisser des traces linguistiques, car la littérarité, on se rappelle, ne peut être qu’un faisceau de caractéristiques verbales [12] . Tout comme Cohen, pour pouvoir répondre à cette question, Roman Jakobson doit prendre appui sur une théorie du langage. Plus exactement, sur une théorie de la production linguistique, qui s’inspire elle aussi de la théorie de la communication.

Qu’est-ce qu’on fait lorsqu’on parle? [13] Fondamentalement, dit Jakobson, on choisit des expressions dans un répertoire et on les combine en un discours: à chaque moment, le locuteur choisit une expression à l’intérieur d’une classe d’expressions susceptibles de figurer toutes à cet endroit de la chaîne et la combine avec une autre expression qu’il a choisie à l’intérieur d’un autre ensemble d’expressions susceptibles de figurer à l’endroit en question. Disons, pour illustrer la théorie, que je suis en train de construire le message Le chat est sur le paillasson et regardons le tableau suivant. La ligne qui nous intéresse est la troisième: c’est celle où je vais «enchaîner» les éléments de mon message. Précisons que les colonnes réunissent des séries de termes virtuels, alors que la ligne qui nous intéresse est faite de termes effectivement réalisés et coprésents [14] .

 

 

1.     1.      

2.     2.      

3.     3.      

4.     4.      

5.     5.      

6.     6.      

1.     1.      

mon

matou

se trouve

devant

une

chaise

2.     2.      

un

greffier

dort

à

le

aéroport

3.     3.      

le

chat

est

sur

le

paillasson

4.     4.      

ce

mistigri

rêve

de

partir

maison

5.     5.      

aucun

chaton

mange

sous

de

New York

 

Un simple regard suffit pour voir la différence énorme qui existe entre la chaîne discursive (appelons-la syntagme) et les colonnes (appelons-les des paradigmes): alors que ces dernières sont des classes d’équivalences, au sens que, sous un certain angle, les éléments de chacune sont interchangeables [15] , la chaîne descriptive est faite d’éléments disparates et le seul principe qui semble les réunir est la contiguïté. Lorsque je m’apprête à ouvrir la bouche, tout se passe comme si je parcourais l’ensemble de la première colonne qui m’offre une liste d’expressions pouvant toutes inaugurer mon discours et, pour une raison que je ne divulgue pas, je m’arrêtais à le. Voulant continuer, j’inspecterais les termes proposés par la deuxième colonne: je peux combiner le avec chaton, ou matou, ou greffier, etc., expressions qui peuvent toutes figurer à cet endroit de la chaîne, et je ferais mon choix: chat. Je ferais la même chose pour ce qui est de la troisième colonne, la quatrième, la cinquième et, finalement, la sixième et j’ajouterais successivement à la combinaison déjà obtenue est, sur, le et paillasson. Bref: pour obtenir la séquence je dois successivement choisir mes mots dans des classes d’équivalences pour les combiner ensuite en une chaîne dont le principe constitutif est la contiguïté.

Qu’est-ce qui se passe en poésie? Qu’est-ce qui se passe lorsque j’accorde une attention toute particulière au message? La réponse de Jakobson est catégorique et pleinement éclairante: «La fonction poétique projette le principe d’équivalence de l’axe de la sélection sur l’axe de la combinaison. L’équivalence est promue au rang de procédé constitutif de la séquence» [16] . Autrement dit, le message poétique résulte de la combinaison d’éléments puisés à l’intérieur d’un même paradigme. Et Roman Jakobson précise» [17] : «En poésie, chaque syllabe est mise en rapport d’équivalence avec toutes les autres syllabes de la même séquence, tout accent de mot est censé être égal à tout autre accent de mot; et de même, inaccentué égale inaccentué; long (prosodiquement) égale long, bref égale bref  frontière de mot égale frontière de mot, absence de frontière égale absence de frontière; pause syntaxique égale pause syntaxique, absence de pause égale absence de pause».

L’équivalence est promue par conséquent au rang de procédé constitutif non seulement de la séquence prosodique, comme cette longue citation semblait le suggérer, mais de l’ensemble de ce que Jakobson appelle message. Il affirme ainsi, d’une part, – et je suis pleinement d’accord avec lui – que, suite à l’application du principe d’équivalence, «en poésie, toute séquence d’unités sémantiques tend à construire une équation» [18] , et que, d’autre part, et ici il prend appui sur Valéry [19] , «toute similarité apparente dans le son est évaluée en termes de similarité et/ou dissimilarité dans le sens» [20] , autrement dit signifiant et signifié forment une sorte d’équation, une sorte d’équivalence.

Prenons un exemple brièvement analysé par mon illustre élève : le slogan électoral I like Ike. Du point de vue phonétique, il est évident que la séquence est organisée par le principe de l’équivalence, qu’elle est une «équation»: les deux colons contiennent chacun la diphtongue [ay], chacune de ses diphtongues étant suivie, symétriquement, d’un phonème consonantique [l..k..k]. De plus, les colons riment entre eux: [ay layk / ayk]. Il s’agit d’une rime en écho, le second des deux mots à la rime, [ayk], étant phonétiquement complètement inclus dans le premier, ce qui, sur le plan sémantique, est à n’en pas douter, dit-il, «l’image paranomastique d’un sentiment qui enveloppe totalement son objet» [21] ; autrement dit, l’équivalence phonique entre le deuxième et le troisième colon a son correspondant sur le plan du contenu. D’autre part, le premier mot, [ay], est complètement inclus dans le deuxième, [layk], ce qui, sur le plan sémantique, est, commente Jakobson, « l’image paranomastique du sujet aimant enveloppé par l’objet aimé.» [22] Il est clair que Jakobson a raison: ce slogan est entièrement construit comme une équation, car non seulement la séquence phonétique est une suite de segments équivalents, non seulement les éléments de la signification se regroupent eux aussi de façon analogue, mais entre les deux plans aussi il y a un parallélisme indiscutable, car ils sont structurés semblablement.

Qu’on ne rétorque pas que I like Ike est un slogan électoral et non pas un poème, car Jakobson a pris soin, on l’a vu, de dire que la fonction poétique ne fait que dominer en poésie, sans exclure donc les autres fonctions, et qu’elle peut jouer aussi dans des textes non poétiques – et c’est justement le cas – dans lesquels il y a une autre fonction du langage qui domine. Dans le cas de ce slogan, la fonction poétique joue un rôle secondaire. «Pourquoi? parce que […] les unités constituant la forme de l’expression et celle du contenu sont données dans ce cas préalablement à la constitution de l’énoncé qu'il s'agit uniquement de rendre efficace. Quand un publicitaire essaie des dizaines de formules pour lancer une marque de lessive, il n’est pas comparable à un poète raturant son manuscrit des dizaines de fois parce que le sens (qualité de produit, par exemple) est la majorité des mots le constituant lui sont déjà donnés. La fonction poétique du langage est alors utilisée pour fixer dans la mémoire du destinataire un message prédéterminé dans sa structure linguistique; elle joue donc un rôle d’appoint. Quand elle prédomine, elle assure la génération linguistique du message [23]

La conséquence de la projection du principe d’équivalence de l’axe paradigmatique sur l’axe syntagmatique est la réification du message. Je ne peux pas le modifier sous peine de détruire l’ensemble: «Par l’application du principe d’équivalence à la séquence, un principe de répétition est acquis qui rend possible non seulement la réitération des séquences constitutives du message poétique, mais aussi bien celle du message lui-même dans sa totalité. Cette possibilité de réitération, immédiate ou différée, cette réification du message poétique et de ses éléments constitutifs, cette conversion du message qui dure, tout cela en fait représente une propriété intrinsèque et efficiente de la poésie.»

Résumons à grands traits cette approche positive, tout en enrichissant toutefois le résumé de remarques que, bien qu’utiles pour la compréhension de la démarche de mon élève, je n’ai pas eu la possibilité de faire jusqu’à présent. La littérarité [24] est un faisceau de propriétés linguistiques résultant de l’application du principe d’équivalence, principe caractéristique de l’axe paradigmatique, dans la construction de la séquence verbale, axe syntagmatique. Morphologiquement, le texte littéraire est par conséquent une série de «correspondances ininterrompues» [25] : les unités du plan de l’expression renvoient les unes aux autres constituant une série ininterrompue de parallélismes phoniques et prosodiques, les unités du plan du contenu renvoient elles aussi les unes aux autres constituant à leur tour une série ininterrompue de parallélismes sémantiques et, enfin, la structure du plan de l’expression est isomorphe avec la structure du plan du contenu. Avec les mots d’un exégète: «Le texte poétique se présenterait donc sous la forme d’une équation vérifiée sur deux plans: horizontal, puisque les segments contigus sont équivalents; vertical, puisque les niveaux linguistiques s’empilent l’un sur l’autre et se font écho l’un à l’autre» [26] .

Cette organisation basée sur le parallélisme a des conséquences bien importantes. Premièrement, le message est réifié: non seulement ses éléments constitutifs se répètent indéfiniment, mais aussi le message dans son ensemble. On ne saurait le modifier – supprimer un élément, en ajouter ou remplacer un autre, etc. – sans que l’ensemble ne s’effondre: le texte poétique se reproduit tel qu’il est. «Cette possibilité de réitération, immédiate ou différée, cette réification du message poétique et de ses éléments constitutifs, cette conversion du message en une chose qui dure, tout cela en fait représente une propriété intrinsèque et efficiente de la poésie» [27] .

Deuxièmement, compte tenu des extrêmement nombreuses correspondances qu’elle crée entre les éléments de chaque plan pris séparément aussi bien qu’entre les deux plans considérés ensemble, la fonction poétique du langage obscurcit pour ainsi dire le référent, le rend hautement ambigu, et il s’agit là d’une deuxième caractéristique «intrinsèque et efficiente» du texte littéraire: «L’ambiguïté est une propriété intrinsèque, inaliénable, de tout message centré sur lui-même, bref c’est un corollaire obligé de la poésie» [28] .

Lisons rapidement les deux quatrains suivants, pour voir sur un exemple concret ce que réification et ambiguïté veulent dire:

 

Ses purs ongles très haut dédiant leur onyx,

L'Angoisse, ce minuit, soutient, lampadophore,

Maint rêve vespéral brûlé par le Phénix

Que ne recueille pas de cinéraire amphore

 

Sur les crédences, au salon vide : nul ptyx,

Aboli bibelot d'inanité sonore,

(Car le Maître est allé puiser des pleurs au Styx

Avec ce seul objet dont le Néant s'honore). [29]

 

Mallarmé – qui se disait parfois «syntaxier», au sens d’assembleur de mots ou, pour reprendre la théorie jakobsonienne de la production linguistique, créateur de syntagmes – se trouve devant une gageure: écrire un sonnet dont la rime a [30] soit [iks], orthographiée, si possible, yx. Le dictionnaire du français lui offre trois candidats possibles , encore que l’un d’eux (le deuxième) est imparfait car orthographié ix: onyx, Phénix et Styx. Ajoutons que les règles du sonnet exigent qu’un quatrième vers des deux quatrains se termine toujours par la même sonorité (sinon par le même graphisme); autrement dit, les trois vocables offerts par le français, vocables ayant certaines propriétés physiques, surdéterminent la fin du quatrième vers et exigent qu’il y ait là tel autre vocable ayant certaines propriétés physiques (de longueur, d’accent, de sonorité, etc.) et seulement celles-là: le vocable ptyx, mot qui n’existe pas en français et qui, pris isolément, ne veut rien dire, mais qui, dans le contexte, acquiert un certain sens, bien qu’assez énigmatique. Le signifiant, en cette fin de vers (mais non seulement, car on peut faire des remarques pareilles pour n’importe quel autre endroit de la «chaîne phonique» de ce poème), s’est comme figé, chosifié. Le poète, disait déjà Sartre, «considère les mots comme des choses et non comme des signes» [31] : pour le poète, les mots sont opaques, au sens que, au lieu de se laisser traverser par le regard en direction de ce à quoi ils réfèrent, ils le retiennent au contraire pour eux-mêmes par leurs propriétés matérielles. Cette chosification produit un «effet d’étrangeté» ou encore de «défamiliarisation», pour employer des termes chers aux formalistes russes et à mon illustre élève, et notre perception du langage, que notre longue pratique de la parole a émoussée, s’en trouve rafraîchie [32] .

Revenons au mot ptyx que Mallarmé, sous la pression des trois candidats à la rime offerts par le français, a dû inventer: vu le contexte, vu surtout le vers6 qui, syntaxiquement, est une apposition, il acquiert un certain sens – quelque chose comme «menu objet», «bibelot» –, bien que ce sens soit grandement problématique. L’opacité du signifiant brouille donc le référent, le rend ambigu.

Réification, ambiguïté, circularité sémantique, voilà donc autant de caractéristiques «inaliénables» du texte poétique.

Bien que je croie qu’on ne saurait mettre en question la pertinence de la théorie de Jakobson – elle rend compte des mêmes aspects du texte littéraire analysés par Cohen mais évite de s’exposer aux risques qui ont rendu les affirmations de ce dernier problématiques [33]  –, pour couper court à toute tentative de la mettre en question, je procéderais moi-même à sa «critique», comme je l’ai déjà fait pour ce qui est de Cohen. Il va sans dire que je nourris la conviction que je prouverai ainsi, irrésistiblement, sa validité.

Qui voudrait mettre en question la théorie jakobsonienne devrait, c’est l’évidence même, s’attaquer à l’idée d’un parallélisme entre la forme et le contenu, car c’est l’idée sur laquelle l’ensemble de l’édifice repose. Et il s’y attacherait avec d’autant plus de joie (malveillante) que nulle part – c’est l’unique reproche qu’on puisse faire à Jakobson ! – mon illustre continuateur n’essaie nulle part de démontrer lui-même que le parallélisme est réellement possible! Il donne des exemples et ces exemples semblent convaincants, mais quelqu’un de mauvais intentionné pourrait se demander s’il ne s’agit pas là de constructions privilégiées, plutôt illusoires. Avant de le faire à sa place, je dois dire à sa décharge que, lorsqu’il élaborait sa théorie, la linguistique n’avait pas encore élaboré les instruments susceptibles de l’aider à analyser avec précision les deux plans du langage et il a dû donc se contenter de son intuition que je n’hésite pas à qualifier de géniale [34] .

Considérons le tableau suivant qui s’inspire de la glossématique de Hjelmslev, de la phonologie et de la sémantique. On voit bien que les deux plans peuvent être décomposés en unités minimales – les «sèmes» pour le plan du contenu et les «phèmes» pour celui de l’expression – et que ces constituants ultimes se combinent pour donner naissance à des unités d’un ordre supérieur (phonèmes, syllabes, etc., respectivement sémèmes et énoncés sémantiques) [35] , qui, à leur tour, sont réalisés sur le plan de la manifestation effective. Le principe jakobsonien du parallélisme revient à affirmer que, en poésie, au même endroit de la chaîne réalisée, il y a correspondance entre les configurations dans lesquelles entrent les constituants des deux plans; ou encore, avec un peu plus de précision, que (i) à chaque niveau de profondeur de chacun des plans il y a le même nombre de constituants (il y aurait donc une correspondance de 1 à 1: à un segment phonique correspond un segment sémantique, etc.) et que (ii) les figures issues de l’articulation de ces constituants sont les mêmes.

Maintenant que j’ai formulé en ces termes précis le principe du parallélisme, je dois avouer que l’examen du tableau, en dépit du fait que, regardé rapidement, ce dernier semble bien encourageant par les symétries qu’il présente, montre que je me suis une fois de plus un petit peu trop avancé en me ralliant inconditionnellement à la théorie de Jakobson. Pour peu qu’on réfléchisse on constate qu’il est extrêmement rare qu’un lexème, par exemple, corresponde à un phonème; par ailleurs, si une combinaison de sémèmes conduit à un énoncé sémantique, la combinaison linéaire des phonèmes produit des unités syllabes, et il est clair que, sauf de très rares exceptions, à un énoncé sémantique correspond plusieurs unités-syllabes. De deux choses l’une: ou bien le texte poétique est constitué de lexèmes non seulement mono-sémémiques, mais aussi monosyllabiques correspondant chacun, de plus, à un énoncé sémantique complet, ou bien le principe du parallélisme, en dépit de la séduction qu’il a exercée sur moi, n’est pas défendable. Comme la connaissance que nous avons des textes poétiques montre à l’évidence qu’on ne saurait suivre la première hypothèse. Conclusion: à ma grande déception, le principe du parallélisme n’est pas défendable.

Ou plutôt il n’est pas entièrement défendable, car voilà ce qu’un élève de Jakobson affirme: «L’isomorphisme […] ne conduit donc pas à l’homologation terme à terme, segment phonétique à segment sémantique des deux plans du discours poétique. Si l’homologation est possible, elle apparaît sous la forme d’une corrélation d’un autre type. […] On peut, par exemple, chercher à définir la spécificité du discours poétique par la co-occurrence, sur le plan de la manifestation, de deux discours parallèles, l’un phonémique et l’autre sémantique, se déroulant simultanément, chacun sur son plan autonome et produisant des régularités formelles comparables et éventuellement homologables: régularités discursives qui obéiraient à une double grammaire poétique située au niveau des structures profondes. […] [On pourrait envisager] la possibilité d’organisations discursives – phonémiques et sémémiques – parallèles; les taxies phémiques et sémiques, finalement, situées au niveau plus profond, commanderaient et ordonneraient ces productions discursives.» [36] Autrement dit, ce que j’appelais tout à l’heure l’intuition géniale de Jakobson et qui apparaît maintenant comme « l’hypothèse Jakobson » ne doit nullement être abandonné, mais, bien au contraire, continué, à une condition près: qu’on l’affaiblisse. Au lieu donc de vouloir découvrir coûte que coûte un parallélisme total entre les deux plans, on devrait imaginer qu’entre plan du contenu et plan de l’expression il y a tout simplement un nombre plus ou moins grand de convergences.

Le problème pratique qui se pose si on suit la proposition de Greimas de parler d’une double grammaire de la poésie est la nécessité de construire un appareil conceptuel susceptible de décrire de façon homogène les deux discours – le phonémique et le sémantique – et de reconnaître les articulations qui existent entre eux. On aurait besoin d’un tel outil parce que les résultats de la description doivent être comparables. Et comme l’idée maîtresse – et, je répète, géniale – de Jakobson est que, morphologiquement, le poème est une réitération indéfinie de séquences équivalentes, je crois que cet appareil conceptuel devrait avoir à sa base, comme le suggère Greimas, le concept d’isotopie.

Greimas a introduit primitivement le concept d’isotopie pour expliquer certains phénomènes liés à la compréhension. Soit l’anecdote suivante: durant une soirée mondaine très élégante deux invités se tiennent un peu à l'écart et bavardent. «Est-ce que tu as remarqué les toilettes? », demande l’un d’eux; «– Oui, elles sont très propres? », vient promptement la réponse. [37] Pourquoi rit-on? [38] Parce que, nous explique clairement Greimas, après avoir entendu parler de soirée mondaine, élégante, arrivé au mot toilettes, le destinataire de l’anecdote lui donne le seul sens qui lui semble cohérent avec ce qu’il a déjà entendu, notamment celui de tenue vestimentaire. Ce n’est pas le cas de l’auteur de la deuxième réplique: sa réplique ne saurait être une bonne contribution à la conversation que si, pour lui, toilettes veut dire lavabos. En entendant cette histoire, on rit de l’incapacité du personnage à donner au vocable en question le sens qui semble être exigé par le contexte [39] .

Revenons à Greimas, que nous n’avons d’ailleurs pas réellement quitté, l’histoire (assez quelconque à mon goût) lui appartenant. Greimas affirme, avec raison je crois, que le destinataire essaie d’aboutir à une «lecture unique» du message et que, pour ce faire, il attache aux expressions qui lui parviennent successivement des significations appartenant à une même sphère de sens. S’il peut le faire, c’est grâce à ce que Greimas appelle isotopie, une certaine répétition des sèmes répartis aux divers termes d’un texte. Mais lisons la définition qu’il en donne lui-même: «ensemble redondant de catégories sémantiques qui rendent possible la lecture uniforme du récit, telle qu’elle résulte des lectures partielles des énoncés après résolution de leurs ambiguïtés, cette résolution elle-même étant guidée par la recherche de la lecture unique» [40] Ou cette autre définition, de quatre ans postérieure à la première: «faisceau de catégories redondantes, sous-jacentes au discours considéré» [41] . Remarquez que l’idée majeure des deux définitions est l’idée de redondance, de réitération et que c’est cette idée qui suggère que le concept d’isotopie pourrait être le concept-clef de la double grammaire de la poésie. Au prix, certainement, de certains ajustements qui le rendent opératif sur le plan de l’expression également.

C’est un élève de Greimas, François Rastier, qui s’y attachera et aboutira à ce chef-d’œuvre de simplicité: l’isotopie est « toute itération d’une unité linguistique quelconque » [42] . C’est cette dernière épithète qui me semble capitale, car, grâce à elle, l’isotopie cesse d’être cantonnée au seul domaine sémantique: on peut avoir des isotopies grammaticales (l’accord du verbe et du prédicat et une itération de la catégorie grammaticale du nombre) ou phoniques (une allitération, par exemple).

Trois précisions supplémentaires: (i) une isotopie comprend au moins deux unités de manifestation; (ii) bien qu’elle soit « syntagmatique », elle n’est pas structurée (les catégories itératives forment un ensemble non ordonné); (iii) elle peut apparaître à n’importe quel niveau (phonologique: assonance, allitération, mètre, etc.; syntaxique: accord par redondance des marques, par exemple, comme dans la proposition Elle est belle, ou la catégorie du genre est deux fois marquée; sémantique: équivalence définitionnelle, triplication narrative, etc.).

J’emprunte à Rastier un exemple qui fera ressortir on ne saurait mieux la productivité exceptionnelle du concept d’isotopie. Il s’agit d’une définition que Michel Leiris donne du matador dans Glossaire j’y serre mes gloses: « Matador: damassé il mate la mort et la dore d’aromates ». Faire une définition, nous explique Rastier, c’est établir une équivalence [43] sémantique entre le défini (matador, en l’occurrence) et le définissant (la séquence qui succède aux deux points) «par un faisceau isotopique itinérant dans le définissant tous les sèmes nucléaires présents dans le défini» [44] . Pour revenir à Leiris, dans le concept de matador il y aurait déjà les idées d’être habillé de damas, de dompter la mort, de l’embellir, etc. Ce qui vaut pour le plan du contenu vaut également, dans la définition de Leiris, pour le plan de l’expression, car l’ensemble des phonèmes (ou des graphèmes) de la définition se retrouvaient déjà dans le défini: on peut dire que la définition est une sorte d’anagramme du défini [45] . Il paraît bien évident que les deux plans – de l’expression et du contenu – sont obtenus par l’itération des phèmes, respectivement de phonèmes (voire de graphèmes).

Ne nous enthousiasmons pourtant pas. Pour ce qui est de moi, je l’ai déjà fait deux fois, et j’ai eu tort. Est-ce que la nouvelle définition de l’isotopie, celle qui permet qu’on n’abandonne pas le projet jakobsonien, est vraiment impeccable? Maintenant que je pose et me pose à moi-même la question, je me rappelle un texte assez critique à son égard.

Si par «lecture uniforme» on doit comprendre «lecture unique, non-contradictoire », la définition Greimas-Rastier n’est pas suffisante affirme le Groupe m. La preuve? Conformément à cette définition, un énoncé comme «Le jour est la nuit» serait un énoncé isotope, car il y a là, c’est l’évidence même, itération: les deux substantifs véhiculent le sème «division chronologique stable»; pourtant, il est «allotope», les autres sèmes manifestés par les deux substantifs étant exclusifs les uns des autres. Pour éviter de tels accidents, on doit redéfinir l’isotopie comme suit: «propriété des ensembles limités d’unités de signification comportant une récurrence identifiable de sèmes identiques et une absence de sèmes exclusifs en position syntaxique de détermination» [46] . Comme on peut facilement le constater, cette définition ajoute deux conditions: une condition positive, de juxtaposition, et une condition négative, d’exclusion.

Si on accepte cette définition – et je l’accepte [47] , car elle me semble vraiment éliminer des énoncés très fâcheux  tels que celui qui se trouve à l’origine de cette correction («la nuit et le jour») –, on peut facilement aboutir à une typologie des énoncés, notamment à la suivante:

·        ·       juxtaposition et composition isotopes;

·        ·       juxtaposition isotope, composition allotope;

·        ·       juxtaposition et composition allotopes.

On aboutit ainsi à une théorie de la lecture (je dirais plutôt de la compréhension), théorie qui ne diffère pas essentiellement de celle de Greimas, sinon en ceci qu’elle est plus précise: au fur et à mesure qu’elle avance, la lecture induit un champ isotope où elle inscrit les unités de texte qu’elle aborde, en en réduisant la polysémie virtuelle. «Lorsqu’un champ est reconnu, certaines unités balayées par la lecture peuvent ne pas s’indexer sur l’isotopie, […] s’affichent comme allotopes» [48] . Trois solutions se présentent alors pour arriver à une lecture homogène:

 

·        ·       la réévaluation proversive: on ajoute à cette unité des sèmes récurrents du    champ et, éventuellement, on supprime des sèmes non-récurrents;

·        ·     la réévaluation rétrospective: dissémination sur ce champ des sèmes de      l’élément nouveau («ramasser les miettes du banquet de la vie»).

·        ·       la réévaluation zéro: on reconnaît la non-pertinence et on construit un champ nouveau; se produit dans le cas surtout de la construction allotope.

Dans ce dernier cas, on arrive donc à construire une deuxième isotopie. Soit le discours ABCDEFGH: la redondance A et B induit l’isotopie i1; C ne s’indexe pas sur i1; mais C est isotope avec D et le lecteur ajoute cette isotopie i2 à la première. «On définira donc un discours comme bi-isotope, précisent les membres du Groupe m [49] , lorsqu’une de ses unités au moins est allotope par rapport à la première isotopie et qu’elle entretient avec une quelconque autre unité de l’énoncé une relation de juxtaposition isotope».

La lecture du texte pluri-isotope, telle qu’elle se laisse concevoir dans cette théorie, n’est nullement unidirectionnelle, elle n’avance pas calmement, d’un pas assuré, en indexant, encore et encore, les nouveaux sèmes qu’elle rencontre sur un seul et même champ isotopique, déjà reconnu. Au contraire, par la nécessité où elle se trouve de revenir en arrière ou de se porter en avant pour supprimer des sèmes non-récurrents et/ou ajouter des sèmes récurrents ou encore de «sauter» à un autre niveau pour construire une nouvelle isotopie, cette lecture s’avance dans toutes les directions à la fois, si je peux dire. Ou, avec une expression du Groupe m: elle est tabulaire.

Voyons sur un exemple concret ce qu’on peut faire avec le concept d’isotopie nouvelle version. Soit ce distique de Pierre-Jean Toulet, longuement discuté par le Groupe m [50] :

«Étranger, je sens bon. Cueille-moi sans remords:

Les violettes sont le sourire des morts.»

Vu le parallélisme métrique, le lecteur établira une équivalence entre je et violette et construira une première isotopie, i1, manifestée par les mots je – sentir bon – cueillir – violettes, isotopie qu’il pourrait désigner par le mot /fleur/ et qui, en dépit de l’absence des opérateurs logiques, autorisera la lecture suivante:

(a)  (a)   Je sens bon

(b) (b)  Donc tu voudrais me cueillir

(c)  (c)   Mais tu hésites, par peur de me tuer

(d) (d)   Cueille-moi pourtant, sans remords

(e)  (e)   Car je suis déjà morte.

Ajoutons également que la métaphore du deuxième vers – les violettes sont le sourire – est «brutalement modifiée» par le dernier sémème – morts –, sémème qui annule le caractère euphorique que le texte avait et transforme dialectiquement le Un (la violette) en Multiple, voire en Contradictoire (les morts sourient). Ce même sémème introduit, de plus, une deuxième isotopie, i2, /tanathos/, la mort. Cette deuxième isotopie – qui n’est manifestée que par un seul lexème [51]  – oblige à une réévaluation rétrospective: le sourire devient le rictus de la figure mortuaire, la violette devient fleur funèbre, les remords, par métaplasme («re-mort»), deviennent une deuxième mort, cueillir devient tuer et l’étranger se mue en meurtrier potentiel (par métalogisme) et en mortel (par synecdoque: il est étranger au royaume de la mort).

Du fait que violette est un substantif féminin et étranger est un substantif masculin, du fait que, de plus que violette peut être un prénom féminin, etc., le lecteur identifiera également l’isotopie i3, /éros/, ce qui le fera réévaluer une fois de plus certains termes: cueillir deviendra déflorer, paragrammatiquement on verra dans violettes le viol [52] et dans l’attitude de je une sorte de parade amoureuse.

Une quatrième isotopie enfin, i4, est celle du /logos/, de la communication: une fleur s’adresse à l’étranger, lui adresse un message verbal (le distique peut être lu comme une épitaphe, une inscription tombale; mais il s’agit aussi d’un message oral: une fleur parle à l’étranger et attend de lui la confirmation de la réception du message par un geste, celui de la cueillir) aussi bien que son parfum, les morts communiquent avec les vivants en leur souriant, etc.

Les quatre isotopies nous placent donc devant quatre séries sémiques, qui peuvent être ramenées à trois catégories sémantiques fondamentales: la première se rapporte au COSMOS; les deux dernières, nettement anthropocentriques, se rapportent à la vie, BIOS ; seule la deuxième reste ce qu’elle est, TANATHOS. Si on se rappelle que l’équivalence je / violette, résulte du parallélisme métrique et si on ajoute maintenant que le même parallélisme métrique indique – par une permutation assez forte (la violette est désignée anaphoriquement, par un pronom, avant d’être à proprement parler nommée) et, deuxièmement, par une rupture de construction (commutation de la personne et du nombre: on passe de je à elle(s)) – que la structure d’ensemble du distique est celle d’un renversement [53] , on finit par comprendre que le texte de Toulet annule rhétoriquement l’opposition BIOS / TANATHOS: il pare la mort de la séduction du sourire et retrace le mouvement par lequel les vivants viennent à la rencontre de la mort. Ce mouvement peut être décomposé en deux moments : le premier consiste à cueillir la fleur pour en inspirer le parfum; du deuxième, le texte ne dit absolument rien, mais on peut inférer qu’il s’agit de la mort: ils expirent le parfum, ils donnent leur (dernier) souffle. [54]

Arrivés à la fin de cette présentation, on ne peut ne pas remarquer la productivité du concept d’isotopie. La lecture que le Groupe μ propose est riche et ce qui avait au commencement l’air d’une énigme s’éclaire. Mais n’oublions pas la raison pour laquelle nous mettions notre espoir dans le concept d’isotopie: nous voulions en faire, avec Greimas et son école, l’instrument fondamental de la double grammaire de la poésie. Or, les corrections apportées par le Groupe μ, corrections absolument nécessaires, je le répète, corrections absolument justifiées, le ramènent à son domaine d’origine: la sémantique. La tentative de Greimas, de Rastier et d’autres membres encore de ce qu’on appelle l’École sémiotique de Paris (Michel Arrivé et Jean-Claude Coquet notamment) de sauver l’hypothèse très forte de Jakobson concernant le parallélisme de l’expression et du contenu a malheureusement échoué. À moins de ne pas penser que la littérarité est une affaire de contenu, ce que je refuse absolument, à cause des implications qu’une telle décision aurait, dont la principale serait qu’il y a des contenus poétiques et des contenus non poétiques. Je préfère donc accepter que les définitions de la littérarité que j’ai proposées jusqu’à présent, en suivant en cela deux de mes disciples, qui avait l’air très convainquant, ne sont pas adéquates.

Je ne désespère pourtant pas. Je continue de croire fermement qu’on peut identifier ce faisceau de traits linguistiques qui font d’un objet verbal un texte littéraire. Il se peut d’ailleurs que je les aies déjà identifiés dans mes deux tentatives précédentes. Ne jetons pas les résultats que nous avons peut-être déjà obtenus avec l’eau du bain. Je veux dire par là que nous n’avons échoué, moi et mes élèves, que dans la seule tentative de construire une théorie, mais que, durant cette tentative, nous avons bien mis le doigt sur des caractéristiques réelles du texte littéraire.



[1] L’expression est de Jean-François Lyotard qui, dans Le Différend (Minuit, 1983), défend l’idée qu’il y a plusieurs « régimes de phrases » (raisonner, décrire, connaître, raconter, ordonner, etc.) et que deux phrases de « régime hétérogène » ne sont pas traduisibles l’une dans l’autre parce qu’il n’y a pas de règle commune au divers régimes ; une phrase n’est « intelligible » qu’à l’intérieur de son régime – Cocon Erudiþian

[2] J’avais donc raison de dire que présenter la théorie de Jean Cohen au lieu de sa propre théorie était pour notre auteur une possibilité qu’il s’offrait de « sauver sa face » – Cocon Simpliþian

[3] Ce qu’il peut être modeste ! – Chir Onochephalos

[4] Notre auteur a raison de s’adresser à Jakobson car il partage avec ce dernier bien des idées, témoin le passage suivant : « L’objet de la poétique, c’est avant tout, de répondre à la question: Qu’est-ce qui fait d’un message verbal une œuvre d’art? Comme cet objet concerne la différence spécifique qui sépare l’art du langage des autres arts et des autres conduites verbales, la poétique a droit à la première place parmi les études littéraires. […] La poétique a affaire à des problèmes de structure linguistique. […]. Comme la linguistique est la science globale des structures linguistiques, la poétique peut être considérée comme faisant partie intégrante de la linguistique. » – Roman Jakobson, « Linguistique et poétique » (1960) in Essais de linguistique générale, Minuit, 1963.

 

 

[5] Voilà ce qu’il dit dans « Qu’est-ce que la poésie ? » (1934 - 1935) : « Si nous voulons définir cette notion, nous devons lui opposer ce qui n’est pas poésie. Mais dire ce que la poésie n’est pas, ce n’est pas aujourd’hui si facile » (Questions de poétique, Éditions du Seuil, 1973) – Cocon Erudiþian

 

 

[6] Op. cit.;

 

 

[7] Pour une raison que me semble obscure, Jakobson rejette le terme de référent, qu’il trouve ambigu – Cocon Erudiþian

 

 

[8] Op. cit.;

 

 

[9] Ibidem.

– Je ne comprends pas ce que l’auteur veut dire par cette « dichotomie des signes et des objets » – Chir Onochephalos

– Tu connais le tableau de Magritte qui représente un chapeau et est intitulé Ceci n’est pas un chapeau ? Généralement, lorsqu’on regarde un tableau figuratif, on « oublie » le tableau pour s’intéresser plutôt à ce qu’il représente : « Tiens ! Quel drôle de chapeau ! » Malicieusement, lorsqu’il donne le titre qu’il donne à son tableau, Magritte attire l’attention sur la différence entre signes et réalité : « Ceci n’est évidemment pas un chapeau, mais la représentation (le signe) d’un chapeau ». – Cocon Simpliþian

– Je crois que, malheureusement, les gens ont tendance à trop se compliquer. Qu’est-ce qu’il y a de mal à dire « Tiens ! Quel drôle de chapeau ! » – Chir Onochephalos

 

 

[10] Op. cit.;

 

 

[11] Le lecteur pourrait s’adresser avec profit à un très beau texte que Jakobson publie à ce sujet en 1935, « La Dominante » – Cocon Erudiþian

 

 

[12] « Selon quel critère linguistique reconnaît-on empiriquement la fonction poétique? En particulier, quel est l’élément dont la présence est indispensable dans toute œuvre poétique? » – Op. cit.;

 

 

[13] Rien de plus simple : on ouvre la bouche et on produit des bruits – Cocon Simpliþian

 

 

[14] Roman Jakobson (« Deux aspects du langage et deux types d’aphasie », Essais de linguistique générale, éd. cit.) se rapporte explicitement à cet égard à Saussure qui, dans son Cours, parlait de deux types d’arrangements des signes : in praesentia, arrangement où « deux ou plusieurs termes [sont] également présents dans une série effective », alors que le second « unit des termes in absentia dans une série mnémonique virtuelle. » – Cocon Erudiþian

 

 

[15] Ils peuvent apparaître tous au même endroit de la chaîne – Cocon Simpliþian

 

 

[16] « Linguistique et poétique », loc. cit.;

 

 

[17] Ibidem.

 

 

[18] Op. cit.;

 

 

[19] « le poème, hésitation prolongée entre le son et le sens » (Tel Quel II, Pléiade II) – Cocon Erudiþian

 

 

[20] Op. cit.;

 

 

[21] Op. cit.;

 

 

[22] Je ne comprends pas trop ! – Chir Onochephalos

– L’auteur ou plutôt Jakobson veut dire par là que l’organisation du signifiant est telle qu’elle oblige le lecteur à enrichir, probablement par des mécanismes subliminaux, la signification littérale de l’énoncé I like Ike ; du fait de la similarité, voire de l’identité, de certains segments de l’expression, le destinataire est amené à organiser en des équations plus ou moins formelles les éléments de signification leur correspondant : I devient identique à son amour car il est complètement inclus dans like (il n’est qu’amour de Ike) et Ike, complètement inclus dans like, n’est qu’objet d’amour. Ce qui ne se produit nullement lorsque je dis la même chose en français, le signifiant J’aime Ike étant organisé différemment, d’une manière « non poétique », c’est-à-dire, comme l’explique l’auteur, par contiguïté et non pas comme équation, sur la base du principe d’équivalence. Si le slogan anglais dit quelque chose comme « Je me confonds avec mon amour, tu te confonds avec cet amour », sa traduction française dit littéralement ce qu’elle dit – Chir Erudiþian

 

 

[23] Daniel Delas – Jacques Filliolet, Linguistique et poétique, Larousse, « Université », 1973.

 

 

[24] On pourrait rétorquer que cette définition n’est pas valable pour l’ensemble de la littérature, car Jakobson s’en tient à la seule poésie, donc à un de ses sous-genres et que ce qu’il dit ne caractérise donc pas tous les textes littéraires. Mais Jakobson a prévenu ce reproche – et je lui en sais gré – en disant (tout comme Cohen, par ailleurs, lorsqu’il parle de la prose littéraire) qu’il s’agit là d’une question de degré et non pas de nature : « Dans la ‘composition non versifiée’ […] les parallélismes sont moins strictement marqués que dans le ‘parallélisme continuel’, et il n’y a pas de figure phonique dominante : aussi la prose présente à la poétique des problèmes plus compliqués, comme c’est toujours le cas en linguistique pour les phénomènes de transition. »

 

 

[25] « Le parallélisme grammatical », Questions de poétique, Seuil, 1974).

 

 

[26] Jean-Claude Coquet, « Poétique et linguistique » in A. J. Greimas, Essais de sémiotique poétique, Larousse, 1972.

 

 

[27] « Linguistique et poétique », éd. cit.;

 

 

[28] Ibidem;

– Si je comprends bien, plus le message est ambigu plus il est poétique – Cocon Simpliþian

 

 

[29] « Ses purs ongles très haut… » de Mallarmé – Cocon Erudiþian

 

 

[30] On se rappellera qu’un sonnet a quatre rimes, deux pour les quatrains (a et b) et deux pour les tercets (c et d) – Cocon Erudiþian

 

 

[31] Jean-Paul Sartre, Qu’est-ce que la littérature ?, Gallimard (1948), Idées, 1965.

 

 

[32] V. à ce sujet, entre autres, « L’art comme procédé » (1925) de Victor Chklovski in Tzvetan Todorov (éd.), Théorie de la littérature, Éditions du Seuil, 1965. Chklovski affirme que notre perception ordinaire – du langage et du monde – est émoussée par l’habitude : « L’objet passe à côté de nous comme empaqueté, nous savons qu’il existe d’après la place qu’il occupe. Sous l’influence d’une telle perception, l’objet dépérit, d’abord comme perception, ensuite dans sa reproduction ». Selon lui, l’art nous libère de cet « automatisme perceptif » et nous fait parcourir le chemin inverse, de la reconnaissance des mots et des objets, à leur perception. – Cocon Eruditian

 

 

[33] De plus, elle le fait d’une façon bien élégante, car elle explique tous les traits caractéristiques à partir d’un seul principe, celui du parallélisme. Cette simplicité est bien louable – Cocon Simplitian

 

 

[34] Pour qui est-ce qu’il se prend ? – Chir Onochephalos

 

 

[35] Je crois avoir déjà vu quelque part ce tableau – Cocon Erudiþian

 

 

[36] A.-J. Greimas, « Pour une théorie du discours poétique » in A. J. Greimas, Essais de sémiotique poétique, Larousse, 1972.

 

 

 

[37] Elle n’est pas très bonne, mais enfin, c’est un exemple comme un autre ! – Cocon Simpliþian

 

 

[38] Mais je n’ai pas ri, moi ! – Chir Onochephalos

 

 

[39] L’explication de Greimas est différente : il y aurait là un plaisir engendré par la découverte de deux isotopies à l’intérieur d’un récit supposé homogène ; autrement dit : plus le texte comporte des isotopies, plus on y prend plaisir et plus on rit – Chir Onochephalos

 

 

[40] A.-J. Greimas, Sémantique structurale, Larousse, 1966.

 

 

[41] A.-J. Greimas, Du sens, Seuil, 1970.

 

 

[42] François RASTIER, « Systématique des isotopies » in A.-J. Greimas, Essais de sémiotique poétique, Larousse, 1972 ; je souligne – Mitru Perea

Dans la conclusion de sa recherche, Rastier l’inscrit dans le cadre d’une théorie de la lecture, théorie qui, dit-il, « devra rompre avec le présupposé de la linéarité du discours, discutable à tous les niveaux linguistiques » . « Une telle théorie, ajoute-t-il, permettrait de définir à tous les niveaux linguistiques ce système de redondances instituant dans un texte les cohérences et les incohérences, réglées, qui le constituent en discours » (ibidem). Il y a quand même dans son texte, tout au début, certaines affirmations que je n’ai pas encore réussi à comprendre : il affirme par exemple que la poétique « n’a pas d’objet qui soit scientifiquement défini » et que « la littérature n’est visible qu’à l’intérieur du système idéologique qui a défini nos arts et nos discours »  – Cocon Erudiþian

 

 

[43] Voilà revenir le terme si cher à Jakobson ; et à moi même – Mitru Perea

 

 

[44] Op. cit.;

 

 

[45] Damassé est tiré de matador, (il) mate de matador, mort de matador, etc. ; Rastier se rapporte explicitement à l’anagrammatisme de Saussure – Cocon Erudiþian

 

 

[46] Groupe m , Rhétorique de la poésie, Complexe, 1977.

 

 

[47] Je l’accepte, mais je me garderai bien désormais de m’enthousiasmer, car j’ai constaté que toutes les fois que je l’ai fait jusqu’à présent je n’avais pas réellement réfléchi – Mitru Perea

 

 

[48] Op. cit;.

 

 

[49] Op. cit.;

 

 

[50] Op. cit., 2e partie, chap. II.

 

 

[51] Vous remarquerez que le Groupe μ prend une fois de plus ses distances avec Rastier, car pour ce dernier une isotopie est obligatoirement manifestée par au moins deux lexèmes – Mitru Perea

 

 

[52] Mais où est-il allé chercher tout cela ! – Chir Onochephalos.

– De plus, l’auteur présente d’une manière très, mais très approximative l’analyse, autrement intéressante, proposée par le Groupe μ – Cocon Erudiþian

 

 

[53] Ce renversement est signalé également par la structure syntaxique en miroir du premier vers (x + SN + V / V + SN x), etc. – Cocon Erudiþian

 

 

[54] J’aime les simplifications, mais je crois qu’ici Mitru Perea simplifie en peu trop la riche analyse du Groupe μ – Cocon Simpliþian